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A LA MAISON DU CŒUR VOLANT


O ma petite maisonnette,
Dis-moi l’histoire de tes murs :
Furent-ils indiscrets ou sûrs,
Lorsqu’ici l’on contait fleurette ?

As-tu vu des amans vainqueurs
Et des Cydalises galantes,
Aux attitudes nonchalantes,
Librement échanger leurs cœurs ?

J’aime tes tentures fanées,
Tes rideaux tendres et passés,
Et tous tes bibelots cassés,
Toutes tes grâces surannées.

Maintenant tes fauteuils râpés
Sont rangés à l’entour des tables ;
Ah ! qu’ils raconteraient de fables,
S’ils l’osaient, les vieux canapés !

Aujourd’hui c’est le grand silence
Et le règne du limaçon.
Sur l’antique orme le pinson
Doucement chante et se balance.

Depuis que l’homme t’a quitté,
Pavillon d’aubépines blanches,
Que d’odorantes avalanches,
Sur ce pauvre toit effrité !

Un charme m’arrête à ta porte
Sur le banc froid de marbre gris ;
Mon esprit d’un regret s’est pris.
…Je rêve au temps qui nous emporte.