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lui disant qu’il a tort de vouloir du « raisin vert[1] ; » la belle courtisane Barine, l’effroi des mères, des pères et des jeunes épouses, dont les sermens font sourire le poète. Il affirme avec une solennité plaisante qu’il est permis en amour de se parjurer.


Ridet hoc, inquam, Venus ipsa, rident
SimpUces Nymphœ, ferus et Cupido[2].


Astérie qui attend Gygès, obligé de s’absenter pendant un hiver, et qui se laisse consoler par son voisin Enipée, est le sujet d’un petit tableau peint, comme à l’ordinaire, avec d’ironiques amplifications mythologiques[3]. Plus loin, c’est un gracieux dialogue entre des amans qui se querellent et excitent mutuellement leur jalousie, puis finissent par se réconcilier[4]. Il y a aussi des supplications adressées aux belles au cœur trop dur ; une prière à Mercure, qui « pouvant conduire derrière lui les tigres et les forêts, » doit aussi pouvoir apprivoiser une belle cruelle ; il lui raconte tout au long, avec une exagération voulue, toute l’histoire des Danaïdes[5]. Et il termine aussi sur un ton plaisant ses poésies erotiques, en se comparant à un vieux soldat de l’amour qui, « après avoir combattu non sans gloire, » va déposer ses armes dans le temple de Vénus ; mais il invoque aussitôt la déesse pour qu’elle le délivre de Chloé[6].

Ces petits tableaux et ces personnages étaient presque tous sans doute tirés de la poésie grecque et de la chronique galante de Rome ; ils étaient étrangers au poète qui prenait pour lui ce qu’il inventait ou ce qui était arrivé à autrui. Ce n’était plus là en effet une poésie amoureuse personnelle comme celle de Catulle. C’était une poésie amoureuse littéraire, de réflexion, que le poète composait paisiblement, auprès de ses livres, au gré d’une fantaisie agile et heureuse, où se mêlaient la sensualité et l’ironie, la fine psychologie et la virtuosité littéraire, et qui était dans la littérature le signe du changement qui se produisait dans les mœurs, à mesure que l’amour, l’ancien devoir civique de la propagation de la race dans la famille, devenait une stérile

  1. Horace, II, 5.
  2. II, 8.
  3. III, 7.
  4. III, 9.
  5. III, 11.
  6. III, 26.