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qui plaisaient tant à l’Egypte des Ptolémées ; d’autres, comme le célèbre Ludius, y faisaient de petits tableaux de genre où ils mêlaient avec un grand talent les élégances de l’art et les beautés de la nature. On y voyait des collines et des plaines parsemées de villas, de pavillons, de tours, de belvédères, de portiques, de colonnades, de terrasses ; ombragées de palmiers élancés et de grands pins parasols ; sillonnées de ruisseaux sur lesquels étaient d’élégans petits ponts d’une seule arche ; peuplées d’hommes et de femmes qui se promenaient, se rencontraient et conversaient gaiement. On peut, dans la maison de Livie sur le Palatin ou dans le musée des Thermes de Dioclétien, admirer plusieurs chefs-d’œuvre de cette peinture décorative, raffinée, élégante, tout imprégnée d’un vague érotisme, et qui, dans certaines pièces plus retirées de la maison, jette les voiles et devient obscène. D’autres artistes recouvraient les voûtes de stucs semblables à ceux dont il reste aussi des vestiges si merveilleux dans le musée des Thermes de Dioclétien, réalisant les mêmes petits tableaux de genre, les mêmes paysages ingénieux, les mêmes scènes bachiques sur la blancheur uniforme du stuc, non plus par le relief des couleurs, mais par la légèreté et la vigueur incomparable du modelé. Chaque petit tableau était encadré d’ornemens très gracieux, d’arabesques et de plantes, d’amours, de grillons qui se terminaient parfois en arabesques, de victoires ailées qui se dressaient sur la pointe de leurs pieds. Des sculpteurs alexandrins incrustaient aussi les murs de marbres précieux ; des mosaïstes d’Alexandrie composaient sur les pavemens des dessins merveilleux ; et pour orner ces salles les marchands offraient encore des ouvrages d’Alexandrie, de somptueux tapis, de magnifique vaisselle, des tasses d’onyx et de myrrhe[1].

Mais ces demeures si élégantes, où les Grâces s’empressaient autour du maître pour charmer à chaque instant ses regards par la vue de quelque beau paysage, de quelque joli ornement, de quelque gracieux corps de femme nue, ces maisons peintes, revêtues de stucs, pleines de marbres magnifiques, de meubles riches, d’Amours, de Vénus, de Bacchus, de peintures sensuelles et obscènes, pouvaient-elles être en même temps les enceintes presque sacrées, où se réunirait de nouveau, pour les devoirs et les occupations sévères, l’ancienne petite

  1. J’ai puisé les élémens de cette description dans le bel ouvrage de M. Courbaud, Le Bas-Relief romain à représentations historiques. Paris, 1899, p. 344 et suiv.