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liste des candidats ; et Rufus fut élu[1]. Tandis qu’Auguste était au loin, dans cette Rome où l’on était si pressé en paroles de rétablir la constitution aristocratique et de l’adapter aux besoins de l’époque, un homme allait donc remettre les partis aux prises, surexciter à la fois les impatiences révolutionnaires des classes populaires et l’outrecuidance de la noblesse redevenue puissante. Cet homme était un pompier ! Pourvu que les incendies fussent promptement éteints, le peuple n’hésitait pas à violer les principes fondamentaux de la constitution rétablie deux ans auparavant au milieu de la joie universelle. Et pour faire sentir de nouveau sa force, l’aristocratie, sous prétexte de combattre la démagogie, voulait que le peuple laissât brûler ses maisons ; elle ne s’attaquait pas seulement à Rufus, elle s’élevait aussi contre ce premier essai de réforme des services publics qu’Auguste et Agrippa cherchaient prudemment à introduire dans l’administration, en organisant d’abord des services privés d’esclaves. Cependant l’aristocratie qui avait si facilement renversé Gallus, poète célèbre, guerrier illustre, homme très puissant, avait été vaincue à son tour par Rufus, qui n’avait pas d’autre mérite que d’avoir éteint quatre incendies. Quelque ridicule que fût le contraste, tout le monde se résigna aie subir en silence. Auguste lui-même prit le parti de donner la préfecture de l’Egypte, c’est-à-dire la charge la plus importante de l’empire après la sienne, à un obscur chevalier, un certain Caïus Pétronius, probablement parce que tous les personnages de marque, effrayés du sort de Gallus, refusaient cette charge[2] ; et il continua à s’occuper

  1. Dion, 53, 24.
  2. Qui fut le second præfectus Ægypti ? Ælius Gallus ou Pétronius ? La question a été très discutée par les savans allemands. Mais s’il est impossible d’arriver à une conclusion certaine, il me semble que les plus grandes probabilités sont pour Pétronius. J’admets avec Gardthausen que le vague ὕστερον de Strabon (17, 1, 53) n’est qu’un faible argument ; mais il y en a d’autres. Notons d’abord qu’un autre passage de Strabon (17, 1, 54) nous indique que la même année, — l’an 25 av. J.-C. comme nous le verrons bientôt, — Ælius Gallus et Pétronius étaient tous les deux en Égypte, et que l’un fit l’expédition d’Arabie, l’autre celle de Numidie. L’un devait donc agir en qualité de præfectus Ægypti, l’autre en qualité d’officier subordonné. Or Josèphe (15, 9, 1 et 2) nous dit clairement que dans la treizième année du règne d’Hérode (du printemps de l’an 25 au printemps de l’an 24 av. J.-C.), Pétronius était ἐπαρχὴς (eparchês) de l’Égypte, c’est-à-dire præfectus ; et (§ 3) que Ælius Gallus fit l’expédition dans la Mer-Rouge. Ainsi, selon Josèphe, Ælius Gallus était un officier subordonné. Pline confirme la chose ; en effet, quand il raconte (6, 29, 181) l’expédition de Pétronius en Ethiopie, il l’appelle « chevalier et préfet d’Égypte, » tandis que, quand il raconte l’expédition d’Ælius en Arabie (6, 28, 160), il l’appelle seulement chevalier. Ce témoignage, à lui seul, n’aurait