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REVUES ÉTRANGÈRES

QUELQUES FIGURES DE FEMMES ARTISTES ITALIENNES


The Women Artists of Bologna, par Laura M. Ragg ; un vol. Londres, 1907.


Il y a, dans la galerie des portraits de peintres, aux Offices de Florence, un petit tableau d’un art assez médiocre, et qui, cependant, m’a toujours étrangement attiré et touché. C’est le portrait d’une jeune femme habillée de noir, avec un maigre visage pointu sous de lourds cheveux bruns ; ou plutôt, en vérité, ce n’est que le portrait de deux yeux noirs, mais si grands et si beaux, reflétant une âme à la fois si pure, si ardente, et si désolée, que, dès le premier instant où leur regard s’est fixé sur moi, tout mon cœur s’est ému d’une tendre pitié. Et je n’ai ressenti aucune surprise quand ensuite, sur l’inscription clouée au bas du cadre, j’ai lu que la jeune femme dont c’était là l’autoritratto, — le portrait peint par elle-même, — née en 1599, morte en 1622, n’avait vécu que vingt-trois ans : j’avais bien deviné que la flamme qui brûlait dans ses yeux, au moment du portrait, n’allait point tarder à la consumer. La même inscription me donnait le nom de la jeune femme, Arcangela Paladini : un nom que, certainement, je n’avais jamais rencontré ni dans un livre, ni sous un tableau.

Arcangela Paladini ! Je me revois encore, — après plus de vingt ans, — je me revois explorant les bibliothèques, les musées, les églises de Florence, pour découvrir d’autres traces du rapide passage de cette jeune âme. Je me rappelle l’élan naïf de ma joie