Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

discussion de la police sans avoir terminé celle de la banque ? Telle avait été la question posée par le duc d’Almodovar, président, à la demande du plénipotentiaire anglais. Malgré M. de Radowitz, on était passé aux voix, et le scrutin avait donné les résultats suivans. Pour l’inscription de la police à l’ordre du jour, c’est-à-dire pour la France : Angleterre, Russie, Espagne, Italie, Etats-Unis, Portugal, Pays-Bas, — et aussi Suède et Belgique qui avaient déclaré se rallier à la majorité. Contre l’inscription, c’est-à-dire pour l’Allemagne : Autriche-Hongrie et Maroc.

C’est de ce premier scrutin que s’entretenaient plénipotentiaires et reporters en sortant de l’ayuntamiento.


II

Le sens n’en était point douteux et ne prêtait pas à l’équivoque. La conférence, quelque désir qu’en pussent avoir isolément la plupart de ses membres, ne croyait pas possible de se dérober à une discussion publique du problème de la police. Elle partageait l’opinion, souvent combattue par la presse allemande, que l’étude couplée du projet de banque et des projets de police pouvait seule fournir les bases d’une entente. Elle révélait enfin, par une manifestation d’ordre significative, un groupement de puissances sensiblement différent de celui qu’avaient annoncé les journaux de Berlin. Combien de fois ces journaux n’avaient-ils pas affirmé que, de plus en plus, les négociateurs d’Algésiras rendaient justice à l’Allemagne, et se rangeaient aux côtés de cette « tutrice des intérêts généraux de l’Europe ! » Or, à la première occasion la « tutrice » était abandonnée par tous les pupilles qu’elle revendiquait, sauf un. Et quand il s’agissait de se prononcer sur la meilleure façon d’engager les réformes, elle n’avait avec elle que l’Autriche, et, — concours compromettant entre tous, — le Maroc, dont nul n’ignorait le désir de voir la conférence aboutir à une faillite. Ni pour le gouvernement allemand, ni pour M. de Radowitz, ce vote n’était un succès. Pour l’un et pour l’autre, c’était un avertissement.

Cet avertissement, souligné par les conversations qui eurent lieu, à l’heure du cigare, dans l’après-midi du 3, provoqua chez les membres de la délégation allemande des réactions contradictoires. Au marquis Visconti-Venosta, au duc d’Almodovar, au baron de Joostens, plénipotentiaire belge, d’amers reproches