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speaker de la Chambre des communes, le duc de Wellington. Elle avait, au péril de sa vie, sauvé beaucoup de pauvres habitans d’Acre des fureurs de Méhémet-Ali et d’Ibrahim-Pacha ; elle ne voulait pas être traitée avec moins d’égards qu’on n’en témoignait autrefois aux voleurs de grand chemin ; elle demeurait attachée à l’humanité, à la royauté, convaincue que ceux qui ébranlaient le trône du Sultan ébranlaient en même temps celui de leur propre souverain. Et il appartenait à lord Wellington de faire comprendre à la Reine « que les Pitt sont d’une race unique, et que rien n’est sans importance avec eux. »

Mais cette femme singulière, qu’on aurait coupée en morceaux plutôt que de la contraindre à abdiquer ses droits, respecta-t-elle du moins ceux des autres ? Tel procédé d’Hester fait songer à cet autre Anglais qui, ayant trempé sa main dans une lagune, et l’ayant portée à ses lèvres, s’écrie : « Ah ! ce pays est à nous ; l’eau est salée. » Veut-on, par exemple, savoir comment elle prit possession de sa seconde habitation, celle de Dahr-Djoun, dans la montagne, qui appartenait à un marchand chrétien de Damas ? Elle se présente à la tête d’une nombreuse caravane ; Joseph Saouayah qui a reconnu la Sytt Milady, l’invite à prendre le café, lui fait faire le tour du propriétaire ; on cause, l’heure du souper arrive, le marchand offre à Hester de le partager, elle accepte, soupe, s’assied tranquillement sur le divan et commence à fumer. Etonnement de son hôte qui l’invite à passer la nuit. Milady remercie, reste le lendemain et les jours suivans. De plus en plus stupéfait, l’amphitryon veut faire comprendre à la reine de Tadmor que l’hospitalité a des bornes ; il demande si elle ne compte pas retourner en Europe. — « Mais, répond-elle, je ne retourne pas en Angleterre ; je reste, ne te l’ai-je pas dit ? — Ici, aux environs ! Je comprends. Ta Félicité se propose d’élever un palais sur Dahr-Djoun ou dans la vallée ? — Nullement, je bâtirai plus tard ; ceci me plait, je l’arrangerai à ma guise. — Ceci ? mais ceci, milady, c’est ma maison. — Je la garde. — Mais je ne veux ni la louer ni la vendre. — A merveille, car je ne veux ni la louer ni l’acheter. » Discussion, appel du marchand à l’émir, exhibition des firmans par Hester, qui ne bouge du logis du Syrien ; enfin le Divan consulté répond à l’émir : « Faites tout ce que voudra la princesse d’Europe. Chassez l’homme qui ose lui résister. La maison est à elle. N’oubliez pas que c’est une grande princesse. » On finit par s’entendre : Milady