Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/831

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parce qu’ils sont bons, et il en fait aux méchans pour les engager à devenir bons et pour imiter le Père céleste qui fait lever son soleil sur les uns et sur les autres[1]. »

Il était impossible qu’une foi aussi exaltée n’influât pas sur la conception qu’il se faisait des droits et des obligations de la royauté. Il tenait que c’est Dieu qui fait les rois et que l’autorité qu’ils exercent n’est point leur propre autorité, mais celle de Dieu. Et cela était vrai dans les pays où la couronne était élective, car les peuples, dans l’élection d’un roi, ne font que désigner le ministre visible, non pas de leur autorité, mais de l’autorité de Dieu sur eux, comme feraient des enfans qui, n’ayant point de père naturel, en adopteraient un. L’autorité de ce père adoptif ne serait pas l’autorité de ces enfans, mais celle de Dieu même, « et elle ne seroit bien exercée qu’autant qu’elle le seroit au nom de Dieu, comme doit l’être l’autorité paternelle. » « Sans doute, ajoute un peu naïvement Proyart après avoir cité ce passage, le philosophe de Genève n’eût pas fait paraître son Contrat social, s’il eût vu cette réfutation[2]. »

Partant de cette idée, il tenait également que les rois sont tenus de faire plus pour la gloire de Dieu que le commun des hommes et de faire respecter sa loi. Cette loi en France était l’Evangile, la loi la plus sacrée, puisque le Roi en jurait l’observance et le maintien à son sacre. Aussi le respect de cette loi devait-il être assuré par ceux à qui le Roi déléguait l’exercice de la justice. Il reconnaissait cependant qu’il n’est pas de la compétence du magistrat de rechercher ceux qui en négligent les devoirs dans le particulier ou même qui oseraient les mépriser ; mais il approuvait les sages mesures que le Roi avait cru devoir prendre pour réformer dans ses États l’audace des blasphémateurs publics, des profanateurs des lieux saints, et des écrivains impies. A ses yeux, il n’était même pas nécessaire que le délit eût été commis dans le dessein de nuire pour être punissable, ou qu’il eût nui véritablement. Il suffisait qu’il eût été commis et qu’il fût nuisible de sa nature.

Animé de ces sentimens, on ne s’étonnera pas que le Duc de Bourgogne approuvât sans réserve la ligne de conduite suivie par Louis XIV vis-à-vis des huguenots. Croyant travailler à la gloire de son héros, Proyart a publié un long mémoire, trouvé dans

  1. Proyart, t. II, p. 50.
  2. Id., t. II, p. 11 .