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renouvelés de Charlemagne. Comme les Tables de Chaulnes sont d’accord sur ces points avec les Projets de gouvernement, il n’y a aucun doute que cette importante r(‘‘forme n’eût été mise en pratique par le Duc de Bourgogne, et par cette réforme, la face et la marche générale des choses auraient été singulièrement changées, car c’eût été la fin de cette centralisation excessive à laquelle la monarchie tendait depuis Richelieu, que Louis XIV a fortifiée, que le premier Empire a aggravée et aux procédés de laquelle la République ne paraît pas disposée à renoncer, bien au contraire, puisqu’elle ne pense qu’à étendre les pouvoirs et l’intervention de l’Etat.

Il n’est pas douteux non plus que la commune renommée avait raison lorsqu’elle lui attribuait le dessein de transférer à des conseils administratifs les pouvoirs considérables dont, peu à peu, les ministres s’étaient emparés sous Louis XIV. Sans doute il avait trop d’équité dans l’esprit pour adopter tous les griefs passionnés de Saint-Simon contre ces « marteaux de l’Etat, » et depuis qu’il travaillait avec eux, et en particulier avec Desmarets, il avait pu apprécier la valeur et le véritable dévouement de quelques-uns d’entre eux à la chose publique. Mais il avait aussi pu voir de près les inconvéniens d’un système qui, dans chaque département, assurait au ministre une prépondérance sans borne et ne laissait arriver aux différens Conseils (sauf peut-être au Conseil d’En-Haut) que des affaires toutes mâchées où les décisions avaient été arrêtées par avance entre le ministre et le Roi. Le système des Conseils remplaçant les ministres, que lui recommandaient chacun de leur côté Saint-Simon, Chevreuse, Fénelon, avait été adopté par lui. Un projet, tout rédigé, fut trouvé dans sa cassette, et la déclaration royale qui, au début de la Régence, établit les Conseils, faisait avec raison dire au jeune Roi : « Le plan en avoit déjà été tracé par notre très honoré père, dont nous aurons au moins la satisfaction de suivre les vues, si le ciel nous a privé de l’avantage d’être formé par ses grands exemples. » Mais ce projet n’ayant malheureusement pas été conservé, nous ne savons pas comment il entendait la composition de ces Conseils. S’il eût adopté les plans de Saint-Simon, ces Conseils au nombre de sept auraient été, — le Conseil du Commerce seul excepté, — composés presque exclusivement de grands seigneurs, et toujours présidés par un duc et pair ou un maréchal de France. Le Conseil d’Etat en particulier, le