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Jusqu’à quel point les projets de gouvernement du Duc de Bourgogne étaient-ils, dans son propre esprit, mûris et arrêtés ? C’est une question à laquelle il est assez difficile de répondre avec précision. La seule chose qu’on sache, c’est qu’il s’enfermait pour travailler, qu’il écrivait beaucoup, et que de nombreux papiers furent, après sa mort, trouvés dans son bureau et sa cassette. On sait également que ces papiers furent brûlés par le Roi. Nous raconterons plus tard la scène. Mais on sait également que la destruction ne fut pas complète. Lorsqu’on 1782 l’abbé Proyart, qui avait déjà écrit la Vie du Dauphin père du Roi, entreprit d’écrire cette Vie du Duc de Bourgogne à laquelle nous avons fait de si fréquens emprunts, l’abbé Soldini, confesseur de Louis XVI, lui communiqua un grand nombre de papiers provenant de la succession de la Dauphine Marie-Josèphe de Saxe, mère de Louis XVI. Parmi ces papiers, et confondus avec ceux du Dauphin, père de Louis XVI, au point qu’on avait cru d’abord qu’ils provenaient de lui, se trouvaient un certain nombre d’écrits dont le Duc de Bourgogne était l’auteur. Proyart s’en servit pour composer sa Vie du Dauphin père de Louis XV, dont il allongea le titre par cette phrase : écrite sur les mémoires de la Cour et enrichie des écrits du même prince. Ces écrits, publiés par Proyart, et qui occupent, dans ses deux petits volumes, un grand nombre de pages, sont les seuls documens où l’on soit en droit de chercher la pensée authentique du Duc de Bourgogne. Mais Proyart a-t-il publié tous les papiers qui lui ont été confiés ? Le contraire est très vraisemblable. Ainsi que le fait observer judicieusement M. Paul Mesnard, « il est infiniment probable que Proyart n’eut pas les coudées franches. » Sans doute, au commencement du règne de Louis XVI, la liberté des publications était devenue plus grande, et la censure préalable, à laquelle tous les ouvrages étaient soumis, s’exerçait avec plus d’indulgence que par le passé. Louis XVI avait permis, en 1774, la publication de l’Examen de conscience sur les devoirs de la royauté, et c’était déjà de sa part une grande concession ; mais peut-être considéra-t-il comme imprudent de donner un consentement formel à l’apparition d’un ouvrage où serait attribué à un prince, dont la mémoire était demeurée populaire, tout un plan de réformes que lui-même n’était pas disposé à accorder. Ce consentement aurait paru une approbation tacite qui l’aurait engagé malgré lui. De là vient, sans doute, comme le fait encore observer