Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/811

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on y attirerait ; coutumes corrigées et réunies ; abréviation de la procédure et d’autres mesures encore qui, prises à temps, auraient épargné bien des maux. Puis, à côté, des chimères ou des erreurs : lois somptuaires comme chez les Romains ; corps militaire réduit à cent cinquante mille hommes ; marine médiocre ; et enfin tout un ensemble de mesures destinées à maintenir et accroître les privilèges de la noblesse, à laquelle toute mésalliance aurait été d’autre part défendue par les lois. Et nous laissons de côté des vues originales et hardies sur les relations de l’Église et de l’État où Fénelon va presque jusqu’à souhaiter la séparation, demandant pour l’Église la liberté d’élire, de déposer, d’assembler les pasteurs, comme les chrétiens sont libres de le faire dans les États du Grand Turc. En un mot, tout un ensemble de projets qui donnent une haute idée de l’esprit, sans faire naître l’impression qu’il y eût en leur auteur l’étoffe d’un homme d’État.

Que ces projets aient été communiqués au Duc de Bourgogne, cela ne fait nul doute, car nous voyons par une lettre du même Chevreuse que les mémoires précédens de Fénelon sur l’état des affaires avaient été communiqués au prince par Beauvilliers. Mais quelle impression en ressentit l’élève de Fénelon ? Dans quelle mesure aurait-il été disposé à faire siennes ces réformes hardies qui n’auraient tendu à rien moins qu’à remanier de fond en comble l’administration de la France et à la transformer dans ses plus importantes parties ? Ici, nous nous trouvons en présence d’un problème où les élémens certains de solution nous échappent, et nous entrons en pleine conjecture. Nous essayerons cependant, à l’aide du peu de documens certains que nous possédons, de démêler dans quelle mesure ces deux influences, sinon contraires, du moins différentes de Fénelon et de Saint-Simon, s’étaient exercées sur le Duc de Bourgogne et surtout de marquer comment il comprenait ses devoirs de Roi.


IV

Que le système politique adopté et les méthodes de gouvernement mises en pratique depuis tant d’années par Louis XIV, ne fussent pas destinées à lui survivre, le Duc de Bourgogne en avait, sans nul doute, le sentiment. Il n’était pas seul à le penser. Durant les dernières années du grand règne, les réformateurs