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m’éclaircir ce point ? Il m’est essentiel, car j’ai, par les documens manuscrits des Archives, les marques de la répugnance profonde du contribuable à payer, je sais que les impôts rentrent très peu (en moyenne, au lieu de 44 millions par mois, il en rentre 4), et le chiffre officiel des rentrées de l’impôt direct pour les huit derniers mois de 1790 serait le couronnement de mon édifice…


À Son Altesse Impériale le prince Louis Napoléon[1].


Menthon-Saint-Bernard, 16 octobre 1877.
Monseigneur,

Je serais heureux si mon étude sur les Origines de la France contemporaine méritait l’approbation que vous voulez bien lui donner. J’ai fait cette étude en simple historien : n’ayant jamais pris part aux luttes politiques, placé en dehors de tout parti, et sentant bien que mon éducation comme mes aptitudes me confinent pour toujours dans la vie de cabinet, j’ai tâché de rendre service, dans la mesure de mes forces, en disant aux Français ce qu’étaient leurs grands-pères. À mon sens, ils ont besoin de le savoir ; l’histoire de la Révolution, par exemple, est encore dans les Archives ; j’ose ajouter que l’histoire du Consulat et de l’Empire n’est guère mieux connue. On n’a pas compris le sens et la portée des trois ou quatre grandes institutions fondées au commencement du siècle. Université, Institut, Concordat, Code civil, Administration ; il a fallu que le cours des événemens en dévoilât les conséquences. La structure de la France est une anomalie

  1. Le Prince Impérial avait écrit la lettre suivante à M. Taine, après la lecture de l’Ancien Régime :
    « Camden Place, Chislehurst, le 8 octobre 1877.
    « Monsieur,
    « Tous ceux qui sont désireux de s’éclairer sur la situation de notre pays et de rechercher les causes de l’instabilité de notre état social, vous doivent de la reconnaissance pour votre ouvrage sur les Origines de la Finance moderne. On ne peut exposer d’une manière plus séduisante le résultat de plusieurs années de recherches laborieuses et de méditations profondes. J’ai tenu à m’acquitter personnellement de ma dette de gratitude en vous écrivant ces lignes. Non seulement votre livre est venu répondre à un besoin de mon esprit, mais il m’a donné une véritable satisfaction de cœur. Éloigné de mon pays, j’y vis du moins par la pensée, et grâce à vous, Monsieur, j’ai pu passer de longues heures en France. — Croyez, je vous prie, à mes meilleurs sentimens.
    NAPOLÉON. »