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différens auteurs, et en particulier les nombreux missionnaires protestans qui ont écrit sur ce sujet, ne l’ont pas observé, à cause de leurs préoccupations particulières, mais dès l’enfance nous en avons été frappés en assistant aux enterremens des Malgaches où, entre les paillottes boucanées, dans la fumée des fusillades, toute leur vie nationale se condensait en une sorte de représentation titubante et à demi hallucinée. Et les textes mêmes qu’on cite çà et là accusent parfois ce caractère de représentation : ainsi M. Cahuzac, dans ses Institutions et Droit malgache, après avoir signalé que la plus grande préoccupation de l’indigène est la construction d’un tombeau, note qu’en vue de son édification le Hova, si intéressé d’ordinaire, dépense sans compter jusqu’à son dernier sou : Haren kita fasana, dit le vieil adage, un tombeau, c’est la richesse visible, parce que c’est la maison où l’on habitera éternellement, où se rangeront les descendans, où ils accompliront tous les devoirs funéraires. Souvent même, le Hova constitue par testament certains biens inaliénables, afin que le revenu soit consacré, dans la suite des temps, à l’entretien du monument et à l’accomplissement des cérémonies. Il y a là du faste.

Nous ne discernons donc guère le « culte de la mort, » entraînant l’idée de la survie spirituelle, dont on a parlé en s’étonnant justement de la rencontrer chez cette race incrédule et plus encore insouciante de tout ce qui ne tombe pas sous ses sens. Après avoir examiné les articles écrits par les révérends anglais sur la mort, M. Gautier conclut justement que les Malgaches accueillent la mort sans terreur, eux qui pourtant ne la recherchent jamais et qui ne conçoivent pas le suicide ; ils n’ont pas l’horreur du cadavre, ils le traitent avec respect et familiarité tout ensemble. « Le caveau de la famille est au milieu de la cour, les poules, les cochons et les enfans picorent, grognent et jouent pêle-mêle autour des défunts... Les morts ne sont pas seulement un souvenir, ils sont quelque chose de matériel, des ossemens dans un suaire de soie rouge, que le père de famille expose annuellement à la vénération de ses enfans. »

Il ne nous paraît guère qu’on puisse attacher de sens métaphysique aux légendes si matérialistes qui restent comme explication des rites de l’enterrement ou aux poésies qu’on récite devant le corps du défunt. Il n’y a plus là que cérémonie, tous les auteurs ayant au reste déclaré que les Malgaches n’étaient pas