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grimpe une faune aquatique : grenouilles, écrevisses ou sauriens. Les moindres objets usuels sont couverts de sculptures, depuis la gargoulette de terre autour de laquelle tournent des caïmans et des bœufs, jusqu’aux cuillères sur les manches desquelles s’allonge un crocodile, symbole de la gloutonnerie, se dresse une porteuse d’eau, image du repas, s’arrondit un bœuf à bosse, représentatif de la viande rouge, du mets noble et national. Et toujours cette imagination si ingénieusement décorative est subordonnée à une observation très pénétrante de la réalité. Cette acuité dans le réalisme va jusqu’à la caricature puissante.

Il faut admettre que les manifestations d’art malgache sont les produits naturels de l’oisiveté méditative de l’homme sauvage devant les contours et les reliefs des choses. Point n’est besoin d’invoquer, pour la déclarer efficace ou négative, l’influence d’immigrations étrangères. La peuplade qui, dans ses mœurs comme dans sa race, décèle le moins d’infiltration arabe, qui, par sa position géographique même, a été le plus à l’écart des invasions sémites, — les Mahafalys du Sud, — est éminemment artiste. Le Mahafaly porte à la perfection plastique le génie animalier propre aux Malgaches et qui caractérise si pittoresquement la plupart de leurs proverbes. Il pétrit dans la terre, pour les tacheter ensuite d’une sorte de lait de chaux, des statuettes de bœufs : autant par la disposition des taches que par la reproduction des douces lignes des fanons tombant très bas, du front plat, des cornes ouvertes finement en croissant large, de la loupe lourde et mobile, il a réussi à donner de l’animal à qui il doit tout, qui fait partie de sa vie, de ses fêtes, de son travail, de ses légendes, des images aussi gracieuses et agréables à voir en leur genre que celles où les hommes de Tanagra ont modelé la beauté des femmes qu’ils aimaient et à qui ils reportaient toute leur joie dilettante de la vie.


De la sensibilité beaucoup plus que de l’imagination, une sensibilité gracieuse et piquante, un sentiment attentivement artiste et amical de la réalité qui se meut autour de lui, voilà ce qui s’atteste dans l’art malgache. Il y a là un respect familier de la vie, une soumission devant elle, qui, en face de la mort, s’approfondissent et se dramatisent.

Ils considèrent la mort avec une sorte de solennité religieuse en même temps qu’avec une fataliste simplicité où s’entremet