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ingénieuses, ils ne les ont point regardés avec la simplicité et ! a fraîcheur d’âme que l’élite française apporte aujourd’hui à la contemplation des arts anciens les plus illustres de l’Europe ou de l’Asie. En dehors de la musique, il y a un art malgache innocent, délicat, parfois précieux, grêle, mais franc, élancé, et qui touche à la grandeur religieuse dans les tombeaux.

Le tempérament sédentaire du Malgache qui lui permet de prendre un plaisir sans lassitude à regarder longtemps une même chose tandis qu’il se repose, son esprit d’observation qui, d’un objet, saisit immédiatement le contour pittoresque et le caractère essentiel, son insinuante faculté d’imitation en firent naturellement un peuple dessinateur. Chez presque toutes les peuplades on a relevé des dessins. Mais, comme les Arabes ont effectué de nombreuses immigrations en terre madécasse, on a été tenté d’attribuer à leur enseignement la présence de ces dessins qui se trouvent être de l’ornementation géométrique, tout en étant obligé de se reconnaître « en présence d’un art arabe primitif ou imité de souvenir d’une façon primitive. » (Jully.) En réalité, presque toutes les peuplades primitives n’ont pratiqué comme dessin que de l’ornementation géométrique : les Maoris comme les Esquimaux, les Australiens comme les Botocudos, sans compter les races de la préhistoire indo-européenne. Loin d’être l’expression particulière du génie arabe, elle représente la façon universellement humaine par laquelle les premiers artistes, — à quelque âge, quelque pays et quelque race qu’ils appartinssent, — inscrivirent en lignes leurs rêveries sur le bois, l’ivoire et la pierre. Ce n’est donc point par l’influence fortuite et artificielle des Sémites qu’il faut l’expliquer à Madagascar, mais par les grandes lois d’imitation de la nature qui, de l’avis unanime des savans, font de l’ornementation géométrique la copie des modèles de mosaïque offerts par la carapace de la tortue, les écailles du caïman, la peau du serpent, les alvéoles des ruches et des nids de guêpes, — et nous ajoutons en ce qui concerne les pays tropicaux : les fruits à configuration cellulaire tels que l’ananas, le jack, l’ale. On est aussi d’accord à voir dans l’ornementation géométrique à ses origines la transcription sur une matière dure des travaux de vannerie, premiers exercices de la main commandés par la nécessité : or, à qui cette théorie s’appliquerait-elle mieux qu’aux Malgaches naturellement si habiles à tresser l’osier ? On n’a pas imaginé d’expliquer par l’influence arabe l’art