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où se présente l’entreprise, il ne semble pas que les locomotives puissent atteindre Bagdad avant de nombreuses années.

Comment évaluer le prix de revient des trois mille kilomètres du réseau ? Sans entrer dans le détail, on peut procéder par comparaison et chercher un élément d’appréciation dans les dépenses analogues des lignes en service. Les calculs de M. Rey, directeur de la Compagnie Jonction-Salonique-Constantinople, font ressortir le coût moyen du kilomètre construit et exploité en Turquie à 189 110 francs. Cette somme comprend : les achats de terrain, la construction, les installations de toute nature, le matériel fixe ou roulant, les intérêts intercalaires, etc. C’est, en un mot, le capital qui a été nécessaire pour mettre en exploitation un kilomètre de chemin de fer. Pour la ligne de Bagdad, à voie normale de 1m,44 et avec trains à grande vitesse, nous pouvons adopter, à titre d’approximation grossière, la somme de 200 000 francs. Bien entendu, le prix de l’infrastructure variera considérablement d’une section à l’autre, mais il s’agit d’une moyenne. Appliquons-la au réseau entier. Nous obtenons une somme de 600 millions. En y joignant les frais d’émission, la création des ports sur le Tigre, l’Euphrate et le Chatt-el-Arab, les dépenses accessoires diverses, on voit que, pour achever l’œuvre, il s’agira de trouver, au bas mot, un capital de sept à huit cents millions.

S’il est difficile d’estimer, même approximativement, le coût de l’entreprise de Bagdad, il est encore plus malaisé d’en prévoir les recettes. La nouvelle ligne sera la voie la plus directe et la plus rapide d’Europe vers l’Inde. Elle détournera du canal de Suez une partie des voyageurs à destination de l’Extrême-Orient, des marchandises légères et peu encombrantes, et peut-être aussi, quelque jour, la malle des Indes. De Londres à Bombay, par Brindisi et la Mer-Rouge, on met au moins quatorze jours. Par Vienne, Constantinople, Bagdad et Koweït, il n’en faudra que dix. Economie de temps, compensée par un surcroît de fatigue. On sait du reste que le transport des voyageurs ne laisse jamais que des bénéfices minimes.

Peut-on compter sur un transit de marchandises d’Europe vers la Perse ou les Indes, et réciproquement ? La grande route commerciale est avant tout la mer. La concurrence des lignes