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Bosphore, le tronçon de Haïdar-Pacha, faubourg de Scutari, en face de Constantinople, à Ismidt, la Nicomédie bithynienne, que le rival de Mithridate livra jadis aux Romains. Exécuté de 1871 à 1873 par l’ingénieur wurtembergeois Wilhelm von Pressel, ce tronçon d’une centaine de kilomètres devait servir d’amorce à la future ligne de Bagdad.

Telle était déjà la conception de Pressel lui-même. Très en faveur à Constantinople, il avait dressé le plan d’un réseau complet de chemins de fer couvrant toute la Turquie d’Asie. Pour lui, l’artère principale devait passer par Sivas, Diarbékir, Mossoul, Bagdad et Koweït. Ce tracé a gardé le nom de « tracé du Centre » par opposition au tracé du Nord (par Erzéroum) et au tracé du Sud (par Konia), si souvent mis en concurrence. Pressel mourut en 1902, sans avoir pu faire adopter son programme.

Après un essai infructueux d’exploitation directe, le gouvernement ottoman donna en location la ligne d’Ismidt à un groupe anglais, puis à des capitalistes allemands. En 1888, M. Alfred Kaulla obtint à la fois l’exploitation du tronçon existant, et la concession de la voie ferrée à construire pour joindre Ismidt à Angora, centre universellement réputé du commerce des poils de chèvre.

M. Kaulla agissait comme mandataire de la Deutsche Bank de Berlin et d’une banque de Stuttgart. Ces deux établissemens financiers fondèrent, en 1889, avec des capitaux allemands, la « Société du Chemin de fer impérial ottoman d’Anatolie, » Trois ans plus tard, la ligne d’Angora était mise en exploitation. Au même moment, la Compagnie allemande obtenait la concession d’un embranchement d’Eski-Chéhir à Konia, et celle de la ligne Angora-Césarée avec prolongement éventuel par Sivas et Diarbékir vers Bagdad.

Le tronçon Eski-Chéhir-Konia fut achevé en 1896 ; il ne présentait pas de difficultés. Après avoir monté de 800 mètres, d’Ismidt à Eski-Chéhir, par les pittoresques défilés de la Suisse turque, le rail court en palier sur le plateau monotone où les Croisés de Godefroy de Bouillon, vainqueurs à Dorylée, souffrirent si cruellement de la faim et de la soif. Conrad III, puis Frédéric Barberousse, se hâtèrent de fuir ces solitudes inhospitalières. Les locomotives qui les traversent depuis dix ans relient deux des capitales successives de la domination turque : Konia, l’ancienne Iconium, l’illustre cité des Seldjoukides, et