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quelques grandes barques à voiles de faible tonnage. A part Alep, il ne desservait aucune ville importante ; en revanche, il longeait de trop près le désert de Syrie pour qu’on pût répondre de sa sécurité. L’affaire parut si hasardeuse qu’elle n’a jamais été reprise sérieusement, même depuis l’occupation par les Anglais de l’île de Chypre, qui commande le golfe d’Alexandrette.

Toujours à Londres, il fut question, après l’ouverture du canal de Suez, de joindre par une voie ferrée Ismaïlia à Koweït. L’idée parut alors chimérique : traverser le désert d’Arabie, avec ses sables et ses bédouins, passait il y a trente-cinq ans pour une pure folie. A l’heure actuelle, l’obstacle ne semble pas absolument infranchissable ; on connaît mieux les oasis du Nedjd qui jalonnent la route et rien ne dit que l’Angleterre, protectrice de nombreux cheikhs arabes et maîtresse de l’Egypte, ait renoncé à son projet d’un chemin de fer d’Alexandrie aux Indes.

Les Russes eurent aussi, un moment, leur projet de ligne de la Méditerranée au golfe Persique. Un syndicat, formé par le comte Wladimir Kapnist, préconisait le tracé le plus court, de Tripoli de Syrie à Koweït, avec un embranchement sur Kerbéla, dans la direction de Bagdad. Cet itinéraire, qui traversait le désert de Syrie sur une longueur d’environ 800 kilomètres, était condamné à un échec certain.

Cependant, les concessions de chemins de fer se succédaient en Asie Mineure. Dès 1856, la Société anglaise de l’Aïdin-Railway commençait la ligne de Smyrne à Dinéïr, point de départ d’un réseau aujourd’hui prospère. Quelques années plus tard, une autre Compagnie anglaise construisait la section de Smyrne à Cassaba (Sardes, la capitale de Crésus), bientôt prolongée jusqu’à Alachéhr. En 1894, l’entreprise prenait un caractère français et obtenait une garantie kilométrique pour pousser la ligne sur le haut plateau. En 1896, elle atteignait son but, Afioun-Karahissar, « le Château noir de l’opium. » Ces deux réseaux, en substituant des transports rapides au régime lent et dispendieux des caravanes, devaient développer les ressources agricoles de la région et contribuer à faire de Smyrne la métropole commerciale du Levant. Enfin, des capitaux franco-belges établissaient la ligne à voie étroite Moudania-Brousse, qui n’a qu’une quarantaine de kilomètres.

Entre temps, les Turcs avaient construit eux-mêmes le premier chemin de fer d’Asie Mineure avant sa tête de ligne sur le