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LE
CHEMIN DE FER DE BAGDAD

L’idée de joindre par une voie de communication rapide l’Europe aux mers des Indes a pris corps le jour où l’Asie turque est devenue, — après la péninsule balkanique, — un des champs d’expansion des grandes puissances européennes, un des théâtres où s’exercent leurs ambitions et leurs rivalités. Dans cette lutte sans trêve dont la suprématie mondiale est le prix, les desseins économiques couvrent et secondent les visées politiques. A peine la crise marocaine vient-elle d’être, sinon résolue, du moins ajournée, et voici qu’un nouvel épisode, l’affaire de Bagdad, attire l’attention et fait apparaître la question d’Orient sous une nouvelle face.

Il s’agit de créer, en territoire ottoman, un réseau de voies ferrées, admirable instrument de pénétration et d’influence, dont de puissans compétiteurs se disputent les avantages. Sans doute, un tel projet intéresse au premier chef les maîtres des régions traversées : aucune de ses conséquences n’a pu échapper à la perspicacité du sultan Abdul-Hamid. Souverain d’un immense empire encore mal pourvu de moyens de communication, il devait avoir, et il a en effet, une politique de chemins de fer. Depuis trente ans, il poursuit avec succès un plan méthodique de construction et de mise en exploitation de voies ferrées. Mais, chose remarquable, l’initiative de cette entreprise n’est pas venue de Constantinople. Le Turc, conservateur et fataliste, aime peu