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les effets lorsqu’en 1817 il viendra en France, il se garde d’y faire allusion. En revanche, il explique les causes de sa disgrâce, toutes à son honneur, et cette explication comme aussi les témoignages de son amitié pour de Maistre, qui semble se réveiller après avoir été longtemps silencieuse, donnent à sa lettre un caractère de confiance et un intérêt historique dont le lecteur pourra juger en la lisant :


« Cher comte, est-ce un an, dix ans, un siècle que nous avons traversé depuis que je n’ai reçu de vos nouvelles ? Que d’événemens, que de peines, que de malheurs ! J’ai pensé bien souvent à vous ; j’ai regretté vivement d’en être séparé, et maintenant, je regrette tous les jours de ne plus recevoir un témoignage de votre souvenir. Si je ne me rappelais sans cesse votre amitié et les preuves que vous m’en avez données, je serais tenté de croire que vous ne songez plus à votre ancien voisin ; mais je trouve dans mes sentimens pour vous l’assurance que les vôtres n’ont point changé à mon égard, et je vous demande instamment de vous rapprocher de moi et de me rapprocher de vous en me donnant quelques détails sur ce qui vous regarde, sur ce qui vous touche. Vous ne pouvez pas douter de l’intérêt que j’y prends et vous me ferez un sensible plaisir.

« Je ne vous apprendrai probablement pas pourquoi je suis à Naples. Vous connaissez les événemens qui m’y ont conduit, tous les chagrins que j’ai éprouvés[1]. Un mot explique bien des choses, l’Envie, et je ne vous en dirai pas davantage pour vous faire connaître la cause du déchaînement auquel j’ai été en butte. Il faudrait que je pusse vous voir et causer avec vous, pour vous apprendre ce que la postérité aura de la peine à croire, si jamais elle en est instruite.

  1. Il avait dû se séparer du Roi, à Mons, le 24 juin 1815. Le 22, Louis XVIII lui écrivait de Gand : « J’écris ceci pour m’épargner la douleur de le prononcer ; L’instant du sacrifice, auquel nous sommes préparés, est arrivé. C’est à Mons, au moment de rentrer dans notre patrie, qu’il faut le consommer. J’espère, je crois fermement que la séparation ne sera pas longue ; mais elle est nécessaire pour conjurer un orage qu’en vain nous voudrions braver. Dites-moi où vous voulez aller ; je suppose que ce sera en Angleterre. Dites-moi ce que vous désirez ; je le ferai. Mais je dois vous dire que des gens qui s’intéressent véritablement à vous pensent qu’il ne faut pas de ces grâces qui excitent l’envie et sentent l’adieu final. Indiquez-moi à qui, de ce qui vous entoure, je dois provisoirement remettre vos fonctions. Je n’ai pas besoin de vous dire de compter à jamais sur mon estime et sur mon amitié. — LOUIS. » (Documens inédits.)