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Fontainebleau ou à Vincennes, ne tardera point, j’espère, à être délivré ; alors, il dira sans doute ex cathedra ce que vous et moi écouterons avec respect, ce que peut-être auront dit plus tôt que le Saint-Père des fidèles qui n’ont jamais chanté : Domine salvum fac Imperatorem.

« La situation présente des affaires est au dedans d’excellentes dispositions qui ont besoin d’être mises en action ; au dehors, des mesures prises autant que les circonstances le permettent, pour offrir aux Français le point d’appui nécessaire pour les rallier à la cause qui peut seule leur présenter des moyens de salut, dans un gouvernement légitime et paternel. Quelques semaines, quelques jours peut-être vont suffire pour résoudre la grande question d’où dépendent le bonheur de la France et celui de l’Europe. Jugez de mon anxiété.

« Je ne sais où votre réplique me trouvera ; je voudrais que vous me l’apportassiez vous-même à Paris et que nous pussions ne plus nous quitter. Ce n’est maintenant plus un espoir chimérique que celui de revoir cette ville célèbre. Mais dans quel état sommes-nous destinés à la retrouver ? »


Bientôt après, à la question que posait Blacas en finissant cette lettre, il aurait pu répondre lui-même. Les événemens s’étaient précipités : l’abdication de Napoléon, le 11 avril, le débarquement de Louis XVIII à Calais, le 25, et sa rentrée aux Tuileries au commencement de juin. Blacas l’avait accompagné ; en revoyant Paris, il y recevait une marque nouvelle du prix que son souverain attachait à son dévouement ; il était nommé grand maître de la garde-robe du Roi et ministre de sa Maison, poste de confiance qui ouvrait un vaste champ à son influence, mais le désignait aux coups des exaltés de tous les partis. Ayant à s’acquitter d’une tâche lourde et absorbante, il fut plusieurs mois sans trouver le temps d’écrire à Joseph de Maistre, bien qu’il eût reçu plusieurs lettres de lui. Ce n’est que le 14 août qu’il lui répondait, non avec l’abondance des jours d’exil et d’oisiveté, mais avec le laconisme d’un homme d’Etat à qui le temps est trop mesuré pour qu’il puisse s’abandonner à son gré aux épanchemens de l’amitié.


« Combien j’eusse été heureux de vous trouver ici, mon cher comte, combien de conseils à vous demander, combien de sages