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le tombeau de sainte Marie-Madeleine. Pourtant il voyait que ce sarcophage était vide et d’autre part il savait que les ossemens de la sainte reposaient dans son couvent de Vézelay. C’est donc, pensa-t-il, qu’ils avaient été jadis ravis à la Provence et emportés à Vézelay. Sur quoi, par une série d’hypothèses semi-naïves, dont M. G. Doncieux a ingénieusement tenté de retrouver la succession logique, il édifia ce nouveau récit :

Marthe et Marie, leur frère Lazare, Maximin et plusieurs autres disciples du Seigneur avaient émigré de Judée, débarqué à Marseille et s’étaient partagé l’apostolat des Gaules. Après une longue vie de pénitence, Marie avait été ensevelie près d’Aix, aux côtés de saint Maximin. Des siècles ayant passé, un jour, au temps de Carloman, l’évêque d’Autun, accompagné d’un de ses chevaliers, Adelelmus, qui était frère d’Odon[1], abbé de Vézelay, vint faire une visite à ce monastère. Comme l’évêque parlait des mérites de sainte Marie-Madeleine, le chevalier Adelelmus déclara qu’il avait vu et qu’il connaissait dès l’enfance le lieu de sa sépulture. Aussitôt l’abbé de Vézelay se jeta aux pieds de l’évêque, baisa les mains de son frère le chevalier et leur demanda avec larmes le corps de la sainte. Adelelmus se mit donc en route, accompagné de moines et de chevaliers, et retrouva non loin d’Arles, mais dans un pays infesté de Sarrasins, le tombeau de la Madeleine et celui de saint Maximin. Malgré les Sarrasins, il réussit à enlever les corps saints et les apporta tous deux à Vézelay.

« Si bien combiné que fût ce récit, dit Mgr Duchesne, les moines de Vézelay n’en avaient pas moins commis une grave imprudence en indiquant avec tant de précision le lieu de provenance de leurs reliques. Il y avait là une attache toute préparée pour les revendications futures. Les Provençaux ne pouvaient laisser dire indéfiniment qu’on leur avait volé leur sainte. » Le jour vint, en effet, comme on sait, au temps de saint Louis, où les religieux du prieuré de Saint-Maximin soutinrent qu’on ne leur avait rien volé : à telles enseignes que, en 1279, ayant ouvert solennellement le sarcophage de l’église Saint-Maximin, ils y retrouvèrent le corps de la Madeleine au complet, sauf une jambe : de ce jour le culte de la Madeleine bourguignonne déclina. Mais je ne le considère ici qu’aux premiers jours de sa

  1. Le nom de cet abbé Odon a été fourni, semble-t-il. par le privilège que lui adressa le pape Jean VIII (Spicilège de d’Achery, t. II, p. 503).