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(eine grosse Kleinmacht oder eine kleine Grossmacht),

L’alternative était médiocrement galante, et l’on comprend que la verdeur de propos des partisans de la Grande Allemagne mit parfois les catholiques de Prusse en quelque embarras. Car ceux-ci, tout grossdeutsch qu’ils fussent, étaient cependant prussiens, et fort gênés lorsqu’il leur semblait entrevoir que l’attachement aux droits de l’Autriche et le souci de la prospérité de la Prusse seraient peut-être, bientôt, deux sentimens incompatibles. Ils se tiraient de la difficulté par des demi-mesures. Mallinckrodt et Reichensperger, en 1862, crurent devoir approuver les conventions militaires entre la Prusse et certaines petites souverainetés de l’Allemagne du Nord ; ils furent qualifiés de tièdes, sinon de traîtres, par les exaltés du parti de la Grande Allemagne. À quoi Reichensperger objectait qu’il n’avait nulle envie de mettre son drapeau « grand allemand » dans sa poche, mais que cependant il était magistrat prussien. Hors de Prusse, les champions de la Grande Allemagne traitaient la Prusse comme on traite un parti hostile : ils la voulaient diminuer, affaiblir, humilier. Mais pour les catholiques de Prusse, la Prusse était une patrie ; et par surcroît, leurs propres théories de catholiques sur le respect dû à l’autorité, et sur les prérogatives respectives du peuple et du souverain, les rendaient plus dociles aux désirs de Bismarck, qui venait de prendre le pouvoir, que ne l’étaient les libéraux. Ainsi l’on assistait à cette étrangeté, que les catholiques, désireux d’une paix durable avec l’Autriche, ne répudiaient qu’assez mollement les fantaisies militaristes du nouveau ministre, et que les libéraux, impatiens de brouiller les cartes, luttaient pourtant contre ces fantaisies. Les catholiques seuls accordaient un budget de la guerre, les libéraux seuls voulaient la guerre. Dans la Chambre insurgée contre Bismarck, c’étaient les catholiques, champions de la Grande Allemagne, qui, par esprit de loyalisme monarchiste, se montraient le moins acharnés contre le prochain réalisateur de la Petite Allemagne.

Malgré l’uniformité des affirmations d’ensemble, les catholiques d’Allemagne, on le voit, commençaient à se diversifier en nuances infinies. D’une part, on entendait encore, en 1862, le baron de Bernhard, beau-père de Mallinckrodt, réclamer formellement le rétablissement du Saint-Empire, et d’autre part, dès 1860, en lisant la brochure des deux Reichensperger sur