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soin de ne pas reprocher à M. Fabre comme autant de maladresses et de défauts les conditions mêmes du genre qu’il a choisi. De toutes parts et en chœur, on l’a accusé d’avoir écrit une pièce pénible ; mais voulait-on qu’ayant résolu de nous montrer une famille divisée par les conséquences du divorce, il composât avec ce sujet un ouvrage agréable ? On a déclaré qu’il n’y a dans sa pièce aucun personnage sympathique, et qu’on ne sait à qui s’intéresser ; mais la présence d’un personnage sympathique est-elle une loi ou une convention du théâtre ? La plupart des comédies de Molière sont parfaitement dénuées de personnages sympathiques. On chercherait en vain dans la Parisienne vers qui peut se porter notre sympathie. Qu’entend-on d’ailleurs par cette vague appellation de « personnage sympathique ? » Et ne peut-on prétendre que, dans une pièce de ce genre, la sympathie pour un individu est remplacée par une sorte de sympathie collective disséminée sur tous ces êtres, dont aucun n’est méchant, mais qui tous sont victimes d’une erreur encouragée par la loi ? Il y a dans la pièce de M. Fabre de graves défaillances et des insuffisances fâcheuses, mais ce ne sont pas celles qu’on s’est accordé à lui reprocher, et dont la critique était trop aisée pour avoir quelque portée.

La « maison d’argile » est la famille moderne, telle que l’a faite le divorce, éphémère et friable, par opposition à la famille d’autrefois, solidement établie sur la base du mariage, comme une maison de pierre. Mme Armières a divorcé d’un premier mari dont elle avait deux enfans, un fils et une fille. Le fils, Jean, est parti avec son père : depuis vingt ans, on n’a plus de leurs nouvelles. La fille, Valentine, a continué de vivre au foyer de sa mère remariée, mais comme une sacrifiée en qui couvent de secrets désirs de révolte ; car Mme Armières, qui a une autre fille de son second mari, a concentré sur celle-ci toutes ses préférences. Or voici que les affaires de M. Armières sont gravement compromises. Comment lui épargner la faillite, et comment assurer à sa fille, Marguerite, les trois cent mille francs de dot qui lui permettront de faire un beau mariage ? Mme Armières ne trouve qu’un moyen : elle consenti vendre une usine qui est sa propriété et se prête ainsi à dépouiller ses deux enfans du premier lit : Jean et Valentine.

Au second acte, le fils, Jean, surgit ; et c’est lui qui mènera désormais toute l’action. Élevé par son père, que le divorce a laissé quasiment sans ressources, il est devenu une espèce de contremaître, et ses façons rudes contractent avec l’élégance du milieu où il se trouve, comme un intrus, chez sa mère. L’occasion s’offre pour lui de se tirer