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Je retrouve noté sur un carnet le résumé d’une conversation que j’eus, vers novembre 1904, dans l’hôtel de la rue d’Athènes, avec la baronne Piérard, qu’entouraient quelques-unes de ses collaboratrices, entre autres Mlle de Gourlet, qui a écrit, sur la résidence laïque dans les quartiers populaires et sur la maison sociale, des tracts si clairs, si complets, si utiles[1]. L’œuvre n’avait alors qu’un an d’existence.

— Ce que nous voulons, disait-elle, ce n’est pas seulement fonder dans un faubourg un office d’assistance ou de charité qui s’ajouterait aux institutions de bienfaisance laïque ou confessionnelle, mais aussi et surtout une œuvre de socialisme véritable, pénétrer et nous fixer dans les rangs les plus humbles du peuple, pour mieux le servir et l’aimer. Nous voulons qu’il y ait dans les centres populeux, hélas ! séparés des nôtres, un point d’union, un logis que rien ne distingue à l’extérieur, mais où vivent des résidentes, où viennent des auxiliaires, pour aider tous ceux qui les entourent, aider les individus, et aider les familles, en vivant de la même vie que les familles et les individus.

Et elle ajoutait :

— La grande idée de l’œuvre, — et je peux le dire, car cette idée n’est pas de moi, — c’est la résidence. Imaginez une maison sociale où les dames arrivent le matin pour disparaître le soir. À la nuit tombante, la porte est close : la vie du monde a repris celles qui s’occupaient du peuple. Le peuple le remarquera bien : elles resteront toujours pour lui des riches. Nous avons donc des résidentes, jeunes filles et jeunes femmes du monde, qui habitent à la maison sociale, au milieu du peuple, et partagent son existence. Elles y sont à toute heure du jour et de la nuit. Ainsi, comme, dès le premier abord, elles se montrent très simples et très vraies, les femmes du peuple ont vite confiance : elles s’attachent à ces nouvelles voisines, elles leur racontent plus facilement leurs misères et leurs secrets ; une vaste famille s’organise et l’on voit se mêler des élémens sociaux de l’apparence la plus contraire.

Le 1er janvier de cette année, les fillettes d’une maison sociale se concertèrent en secret pour offrir un cadeau aux dames résidentes. Elles pensèrent d’abord offrir des fleurs, mais, réfléchissant, elles achetèrent un pot-au-feu et des légumes qu’elles

  1. Voyez Colonies sociales et la Maison sociale ; tracts de l’Action populaire, par Mlle de Gourlet.