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C’est là, en Bourgogne et en Provence, qu’il devait, à partir de 852 et jusqu’à sa mort, jouer un grand rôle public.

En effet, dès 852, il devint, avec le titre de marchio, gouverneur du duché de Lyon, qui comprenait en Bourgogne les territoires de Lyon et de Vienne ; en 800, à la mort de Lothaire, il reçut la tutelle du plus jeune des fils de celui-ci, Charles, roi de Provence. Charles de Provence était un enfant épileptique : sous son nom, le roi restant en perpétuel état de maladie et d’enfance, Girard administra le pays, ou plutôt, il y régna.

En 859-860, des pirates danois s’établirent dans la Camargue, d’où ils remontèrent le Rhône, s’avançant jusqu’à l’Isère, puisqu’ils ont pillé Saint-Barnard de Romans. Girard les vainquit, les chassa de Provence, et nous avons une lettre ou Loup de Ferrières le félicite de ses victoires.

C’est vers cette date de 860 qu’il fonda, de concert avec sa femme Berte, le monastère de Vézelay et celui de Pothières.

En 861, Charles le Chauve eut la velléité de déposséder Charles de Provence. Accompagné de la reine Ermentrude, il dirigea son armée vers la Bourgogne. Le 14 septembre, il était à Auxerre, le 11 octobre à Verzé, près de Mâcon ; le 4 décembre, il était à Beaune, déjà sur la voie du retour, renonçant à son projet d’agression. Que s’était-il passé durant ces trois mois ? Nous n’avons que cette phrase unique des Annales Bertiniani : « Le roi Charles, accompagné de sa femme, s’avance en Bourgogne jusqu’à Mâcon ; là, ses affaires ayant mal tourné, après avoir ravagé le pays, il regagna le palais de Ponthion. » Ces expressions, comme on l’a récemment supposé, sont-elles des euphémismes qui dissimulent une terrible défaite subie par Charles le Chauve ? Nous pouvons le croire. Ou Charles revint-il pour avoir rencontré des difficultés d’un autre ordre, sans même avoir livré la moindre bataille ? Nous pouvons le croire aussi bien. S’il y a eu bataille, est-ce Girard qui lui fit échec ? Il se peut ; nous n’en savons rien.

Tout ce que nous savons, c’est que, quelques mois plus tôt ou plus tard[1], Girard apprit par ouï-dire que Charles méditait de s’emparer des monastères fondés par lui, Girard, de Pothières et de Vézelay. Il s’en plaignit par lettre à l’archevêque Hincmar, conseiller de Charles, et l’avertit que, par représailles, il serait

  1. Plus tard, selon M. Longnon ; plus tôt, selon M. Poupardin.