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Dieu leur manifeste, les combattans se troublent, arrêtent la lutte ; toute la nuit, ils gardèrent les hauberts endossés (§ 169).

Le roi envoie deux messagers à Girard pour lui offrir une entente. Girard hésite. Il n’a pas été vaincu, il se rappelle les outrages qu’il a subis, et comment c’est le roi qui a repoussé naguère son message de paix et qui a voulu cette bataille ; surtout, son père Drogon vient d’être tué par le duc Thierry d’Ascagne, son oncle Odilon se meurt, frappé par le même Thierry. Que faire ? Sur l’avis de l’un de ses barons, il va trouver son oncle Odilon, qui est couché dans une tente, et qui, sentant la mort venir, attend qu’on lui apporte, pour la revêtir comme son dernier vêtement, la robe des moines de saint Benoît. Girard demande conseil au moribond : « Beau neveu, répond-il, fais accord avec le roi, de bonne grâce, sans débat. — Moi ! comment pourrais-je aimer un roi aussi félon, quand il a pris pour conseiller Thierry d’Ascagne, qui a tué mon père, et qui t’a tué aussi ? Jamais je ne ferai hommage à Charles de rien qui soit mien, à moins qu’il me fasse de bonnes conditions et qu’il chasse Thierry de son royaume. — Je ne te ferai pas un long sermon, dit le mourant… Tu as peu de sens et le jugement fou. Depuis que Dieu mis en croix reçut le martyre, on n’a point vu si grand malheur arriver par un homme, ni journée plus meurtrière. Tu en as sur la conscience un péché plus grand qu’on ne pourrait le conter, qu’un clerc ne saurait l’écrire. Fais accord avec le roi… Maintenant, vous ne m’entendrez plus parler sur ce sujet. Je désire l’habit de l’ordre de saint Benoît (§ 177). »

Girard n’ose plus refuser la paix ; mais il y met une condition : c’est que le meurtrier de son père et de son oncle, Thierry d’Ascagne, en sera exclu et qu’il partira pour l’exil. Charles s’y refuse d’abord, ne voulant pas sacrifier son vieux compagnon. Et Thierry s’écrie : « Ne plaise à Dieu que personne fasse guerre à cause de moi ! Il y a cent ans que je suis né et plus, je crois ; j’ai le poil blanc comme neige. Chassé de France à grand tort, j’ai traversé la mer et sept ans je suis resté en exil. J’y retournerai, avec la permission du roi, lui laissant mes trois fils, Aymon, Aimeri, Audefroi. Quand Girard sera réconcilié avec Charles, vous, mes amis et seigneurs, priez-le pour moi, car je veux me mettre entièrement à sa merci. » Alors la paix fut conclue. L’exil de Thierry fut fixé à cinq ans, moyennant quoi Girard se