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l’amour de Girard et d’Elissent, pur de tout reproche, sans qu’il y eût entre eux autre chose que bon vouloir et entente cachée. Et pourtant, Charles en conçut une telle jalousie que, pour un autre grief dont il chargea le duc, il se montra farouche et irrité. Ils en firent bataille par les plaines herbues… (§ 38). »

Le roi Charles est plein de rancune. Girard l’a tenu trop serré, quand il a exigé d’être relevé de l’hommage. Du moins Charles, on se le rappelle, a eu cette précaution de se réserver un droit de chasse aux abords du château de Roussillon. Un jour donc, sous prétexte d’exercer ce droit, venant de Cologne, il traverse les Ardennes et l’Argonne, accompagné d’une troupe redoutable, et vient camper près de Châtillon-sur-Seine, devant le château de Girard. A voir Roussillon si fort et si beau, il le convoite : il somme son ancien vassal de le lui rendre, offrant pourtant de lui en laisser la jouissance. Girard refuse, et c’est le commencement de leurs luttes. Charles tient le siège tout un été, sans succès ; mais un traître lui ouvre de nuit les portes du château. Girard, réveillé par les agresseurs, n’a que le temps de s’armer et de s’enfuir par une poterne basse dans les ténèbres. Poursuivi, blessé, il échappe et s’enferme dans Avignon (§ 70).

Il possède trois cents autres châteaux et trente cités seigneuriales ; il peut donc soutenir la guerre. Mais il ne daigne pas encore convoquer tous ses vassaux ; il se Rome à rassembler 25 000 hommes et marche avec eux vers Roussillon. Il vainc le roi à Belfau (§ 79) et à Fierenause (§ 87), lieux qu’on ne sait pas identifier, mais que le poète se représente comme proches de Châtillon ; il reconquiert son cher château, tandis que le roi, irrité, se retire à Orléans, où il rassemble 100 000 boucliers. Girard cède aux conseils de modération de ses barons : il envoie le plus sage d’entre eux, son jeune neveu Foulques, offrir un accord à Charles. Mais Charles répugne à traiter avec son ancien homme lige, aujourd’hui son vainqueur. C’est alors, au cours du long débat qui s’engage devant le roi, que le poète introduit[1]ce personnage, important pour la suite de l’action, le duc Thierry d’Ascagne (§ 111).

Thierry d’Ascagne, beau-frère du roi, est un vieillard centenaire, qui a des griefs anciens et graves contre la parenté de Girard : jadis le père de Girard, Drogon, et son oncle Odilon,

  1. Ou plutôt il le met ici en relief ; car il a déjà présenté Thierry aux § 41 et 101.