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procès lui avaient révélé : « les vices de symonie et parjurement que de jour à autre se commettoiont es eslections » perpétrés « par de gros personnages en l’Eglise… lesquels par lesdictes façons de faire scandalisent le peuple. »

La pression officielle, plus que la simonie, viciait l’élection. Pour ne nous en tenir qu’à un cas et un témoignage, — entre mille, — la correspondance des agens florentins de 1514 est sur ce point fort édifiante : les chanoines de Lavaur ont élu un évêque. Naïfs chanoines ! Ils ignoraient que le Roi avait promis le siège à un Médicis. Le ministre Robertet qui, d’ailleurs, a pour principe, — c’était un précurseur, — « qu’il se fallait défier des prêtres, » a déclaré aux Florentins « qu’on ferait annuler l’élection » et que le Roi « donnerait possession du siège » au cardinal toscan : double atteinte à la sacro-sainte loi de Bourges. « Les bras du Roi sont longs, » écrivent les Florentins. La formule vaut pour toute l’histoire de ce régime dit électoral, triomphe des « libertés. » Si les chanoines résistent, conflit, intervention des gens d’armes. Le Parlement intervient, conflit entre le Roi et le Parlement : partant, anarchie.

Si le Roi viole la Pragmatique, que sera-ce du Pape ? Imperturbablement il nomme, impose son candidat grâce à mille petits concordats que, faute d’un grand, il faut, pour mille cas particuliers, passer entre Paris et Rome. Des élus courent se faire absoudre à Rome où, moyennant finance, ils sont pourvus. J’ouvre au hasard les registres de Léon X, conservés au Vatican, au 19 mars 1513 : en un jour on a expédié 290 actes concernant l’Eglise de France, cette Eglise « arrachée » cependant à l’intervention romaine.

On pense si Rome pourvoit ses amis : pauvres « régnicoles, » suppôts des universités ! Un Écossais est en 1513 évêque de Tours, un Allemand, évêque de Chartres ; César Borgia, — qui le sait ? — a été membre de l’épiscopat français, évêque de Castres et de Perpignan où un Sforza lui a succédé ; un Fieschi, Génois, est évêque de Fréjus, Embrun et Agde : trois della Rovere se sont succédé à Mende, entre lesquels le futur Jules II ; Caretto, Ligurien, tint Tours et Reims. Si les libertés sont malades, que dire de cette singulière Église nationale ?

Attentats du Roi, attentats du Pape ne vont point sans succès : trois élus, deux pourvus, car il y a des schismes dans les assemblées électorales : procès interminables. Le cas de l’infortuné