Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

choses qu’apporte la vie. La combinazione satisfaisait ses goûts : elle devint sa politique.

Il fit ajourner la condamnation solennelle de la Pragmatique. « La Chrétienté, écrit-il à son frère, est troublée : il faut lui donner le repos. » On a besoin de la France : l’Eglise n’entend point la frapper à outrance. Et il chargea d’une mission pacificatrice auprès de Louis XII le cardinal de Nantes, qui, ayant refusé de s’associer à la politique « schismatique » du Roi, avait dû se retirer à Rome. Lorsque, le 27 avril, le promoteur du concile, suivant les instructions de Jules II, appela à l’ordre du jour l’abolition de la Pragmatique, le Pape vers lequel se tournaient les regards, ne répondit point, et on remit à la session suivante, celle de 1514, la condamnation de la constitution française. Avant d’entrer en séance, Léon X avait confié à son maître des cérémonies « qu’il ne donnerait son assentiment à rien de ce qui se pourrait faire contre le roi de France. » L’Europe s’était trompée : l’Angleterre était jouée. Etait-ce vraiment la peine d’avoir détérioré la vaisselle plate du cardinal anglais enfermé au conclave ?

Louis XII, vieilli et las, accueillit avec joie la main qui discrètement se tendait. La mort de la Pragmatique fut ainsi reculée ; mais il fallut qu’un changement de règne facilitât l’accord. Louis était compromis par sa lutte trop âpre et finalement malheureuse avec Rome. Le destin voulut qu’il succombât. Le jeune duc d’Angoulême François, qu’aucun passé n’alourdissait, hardi et habile, d’esprit ouvert et de bonne poigne, séduisant et vigoureux, était le partenaire désigné pour le jeu de Léon X.

Autant que Louis XI, François Ier était ennemi de tout ce qui faisait obstacle à la marche de la dynastie vers le pouvoir absolu et centralisé. Sous aucun règne, la politique en vue de laquelle Charles VII avait laissé voter la Pragmatique, ne fut plus clairement aperçue. Certes, le chancelier Antoine Duprat est un gallican : élevé dans le palais d’un archevêque son parent, suppôt des universités, président au Parlement, il connaît dans ses détours les plus secrets l’arsenal où s’alignent les armes gallicanes. Mais devenu ministre, il n’entend plus les mettre au service d’un groupe de clercs, fût-il étayé de tous les parlemens et universités du royaume. Ces armes, il ne les veut utiliser qu’au service de son maître, dont, aussi bien, les idées sont les siennes.