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rappeler d’un mot : on sait à quel point, au cours du XIVe siècle, le Grand Schisme installant un pape à Avignon et l’autre à Rome et divisant l’Eglise dans ses membres comme dans son chef, avait favorisé l’éclosion, au sein de la Chrétienté, des Eglises nationales. On sait aussi que ce mouvement contre lequel la Papauté, enfin unifiée sous le pontificat de Martin V, allait si fortement réagir, n’était lui-même que le résultat d’une réaction très vive contre l’influence envahissante des papes romains. L’action de papes énergiques ou politiques avait peu à peu fait de Rome non plus la tête, mais le centre de la Chrétienté. Les élections canoniques tombant en désuétude pour des raisons qu’il serait oiseux d’exposer ici, la Papauté avait favorisé le mouvement : les sièges les plus élevés et les plus humbles bénéfices étant fort souvent, dès lors, pourvus par des nominations et non par des élections, il paraissait plus logique que Pierre donnât les pasteurs au troupeau. Peu à peu la Papauté s’était attribué le pouvoir de désigner par différens procédés des titulaires aux sièges épiscopaux, non pas avec l’absolue liberté qui lui est aujourd’hui laissée et dont elle jouit légitimement, mais par une série de disposions qui, considérées tout d’abord comme fort audacieuses, tendaient de jour en jour davantage à se faire accepter.

Rome, d’autre part, ne s’ingérait pas seulement dans le recrutement du haut clergé, elle appelait à elle les procès intéressant de près ou de loin les causes ecclésiastiques. L’appel à Rome, qui permettait aux plaideurs malheureux de prolonger les procès, devenait fréquent. Mais Rome ne faisait rien pour rien, et, partant, « l’argent français, » s’il faut en croire les plaintes qui se répètent trois siècles durant, s’en allait à flots au-delà des monts. D’ailleurs, par une troisième entreprise qui soulevait plus de mécontentemens encore, le Pape était arrivé à établir une sorte d’impôt sur la Chrétienté tout entière : tout bénéficiaire devait verser à Rome la première année de ses revenus, et cette contribution de l’Annale était ce qui exaspérait le plus les princes et leurs ministres.

Pour comprendre la résistance que rencontrait Rome, il faut envisager non seulement les traditions déjà désuètes, encore qu’assez récentes au XVe siècle, mais aussi les réalités du moment qui, aujourd’hui, ne nous apparaissent plus clairement. Que la Curie désigne à cette heure les prélats de l’Eglise de France, un pareil droit la dote d’une puissance morale considérable ;