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introduisait pas l’inquisition la plus vexatoire, ce à quoi il est bien obligé après avoir renoncé au régime « indiciaire. » Mais pourquoi ne se contente-t-il pas du système anglais ? Ce qui en fait, dit-il, la faiblesse, et ce qui fait la force du système allemand, « c’est que le premier ignore la progression que comporte le second. » Nous ne voyons pas pourquoi on n’introduirait pas la progression dans le système anglais, si on voulait le faire : il n’est pas indispensable de recourir pour cela au système allemand. Et, au surplus, s’il était vrai que le système anglais dût exclure la progression, ce serait à nos yeux une raison de plus de le préférer. M. Caillaux raisonne autrement. « La solution idéale, dit-il, consisterait à combiner les deux systèmes en les adaptant aux conditions particulières de l’existence dans notre pays. Nous croyons nous rapprocher, autant qu’il est possible, du but, en vous proposant de juxtaposer des impôts réels sur toutes les catégories de revenus et un impôt personnel global. » C’est toujours le même éclectisme ! Tout le monde, il y a cent ans, en France, était partisan des impôts réels, c’est-à-dire portant exclusivement sur les choses, et adversaire des impôts personnels qui, comme sous l’ancien régime, portaient directement sur les personnes. Mais nous avons changé tout cela : les impôts personnels ont aujourd’hui leurs champions, aussi bien que les impôts réels. M. Caillaux espère donner satisfaction aux uns et aux autres en établissant d’un seul coup les deux systèmes.

Mais quel est son but vrai, ou du moins celui des socialistes qui le poussent ? M. Jaurès l’a hardiment dévoilé dans un de ces accès de franchise dont il est d’ailleurs assez coutumier. Parlant de la réforme de M. Caillaux : « Elle a, a-t-il dit, pour la classe ouvrière un double et grand intérêt. Quand une comptabilité exacte des revenus capitalistes et bourgeois sera enfin dressée, il sera possible de calculer plus sûrement quels sacrifices peuvent être demandés aux classes possédantes et privilégiées pour alimenter dans l’intérêt des travailleurs les œuvres de solidarité sociale. » On ne saurait assez remarquer ces mots : « Quand une comptabilité exacte des revenus capitalistes et bourgeois sera enfin dressée… » Voilà l’objet qu’on se propose par l’introduction en France du système anglais. On commencera par faire un état de tous les revenus des contribuables ; on cherchera par tous les moyens, et on finira par savoir approximativement quels sont les divers revenus de chacun de nous ; on en fera le total, et on aura le revenu global permettant d’établir un impôt que, cette fois, M. Caillaux avoue devoir être personnel. Et, quand ces bases seront bien