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la hiérarchie aurait été respectée et consacrée. La jouissance des églises appartenant à l’État ou aux communes aurait été concédée aux associations pour un temps indéfini, et elles n’auraient été responsables que sur leurs biens propres, nullement sur ceux de leurs membres. Pour le reste, M. Briand a fait une énumération navrante de tout ce que l’Église a perdu. Si elle était entrée dans la voie qui lui était ouverte, « elle aurait partout, a-t-il dit, dans toutes ses paroisses, des associations qui ne seraient en réalité que des conseils de fabrique transformés. Ces associations jouiraient de facultés, de ressources qu’ignorent les associations de droit commun. Elles auraient le droit de posséder une caisse dont les ressources ne seraient pas limitées, qui devraient être seulement déposées à la Caisse des Dépôts et Consignations, pour faire face à de grosses dépenses imprévues ; elles auraient droit de constituer une réserve considérable pour les dépenses de tous les jours. Enfin l’Église garderait entre ses mains le patrimoine des établissemens publics du culte qui peut être évalué à 500 millions environ, sans parler de la propriété incontestée de 2 000 églises, de 2 500 presbytères, d’un grand nombre de bâtimens de grands et de petits séminaires ; elle aurait le droit d’occuper par ses évêques et ses archevêques des palais nationaux ; elle jouirait pendant cinq ans des bâtimens des séminaires qui sont la propriété de l’État, des départemens ou des communes, et cela gratuitement. Ses ministres, ses curés, ses desservans, seraient installés gratuitement dans les presbytères pendant cinq ans. Vingt mille prêtres toucheraient pendant cinq ans les allocations que vous savez. Les élèves ecclésiastiques ne seraient pas à l’armée et bénéficieraient de dispenses. Voilà quelle serait sa situation. » On avait reproché à M. Briand d’avoir fait trop de concessions à l’Église : c’est ce qui l’a mené à dérouler ce tableau devant la Chambre. Arrivé au bout, il a éprouvé une sorte d’émotion. « Le résultat, s’est-il écrié, s’il faut vous le dire en toute sincérité, est tel que je me demande s’il n’est pas trop complet. Il y a certaines victoires qu’il ne faut pas désirer excessives ; il y a certaines victoires qu’on peut se féliciter d’avoir remportées ; mais il ne faut pas souhaiter qu’elles soient si entières qu’elles laissent après elles des rancœurs, des tristesses, qui peuvent se transformer en haines. » Est-ce là le langage de la générosité humaine ? Est-ce celui de la prudence politique ? Quoi qu’il en soit, la Chambre l’a approuvé : mais il est permis de se demander si, à la simple audition, elle a bien compris les réserves, les réticences, les exigences nouvelles de M. Briand, inspiré par M. Clemenceau. Non :