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Comment ai-je jamais supporté de souper sans nappe ? Pour ce qui est de ces nappes et de ces fourchettes d’argent, les restaurans les plus ordinaires de Paris, ceux que tous fréquentent, les considèrent comme la pure nécessité et il en va de même avec une foule de détails où il nous semble à nous autres que s’affiche le luxe. » Quelques mois plus tard, on peut relever, dans une de ses lettres à sa mère, un passage qui nous montre ce jeune Bostonien s’affranchissant par petites secousses de son horreur congénitale du théâtre : « Je suis, dit-il, allé pour la seconde fois voir Mlle Mars dans Tartuffe. » Après s’être exprimé avec sympathie sur le goût que Paris a des spectacles, sur la beauté de la mise en scène, il termine sa lettre par ces mots : « Je n’ai aucune raison de supprimer cette page sur les théâtres ou d’y rien effacer. Là où vit une société vraiment formée, le théâtre doit exister et il est un bienfait. Je vous prie d’excuser ces remarques d’à côté et de ne pas employer à les réfuter toute votre prochaine lettre. » Plus tard il sentit croître encore son exaspération contre la lamentable étroitesse d’esprit de Boston et il écrivit : « Rien que de respirer cet air de science concentrée qu’est l’atmosphère de Paris, produit de l’effet sur quiconque a vécu là où la stupidité est tolérée, où la médiocrité est applaudie, où la vertu est déifiée. »

En greffant ainsi de nouvelles boutures sur la vieille écorce puritaine, Holmes donna aux belle-lettres américaines une élégance qui, jusque-là, leur avait manqué. Il écrivait à la requête de comités d’études historiques ou d’associations de centenaires. C’était, à toutes les dates de commémoration, une mode de demander un poème à ce docteur accompli : il finit par devenir le poète-lauréat de Boston. On retrouve dans des pièces comme Parson Turrell’s Legacy et le One Hoss Shay, des traces de cet esprit qui éclate dans les œuvre en prose de Holmes, particulièrement dans The Autocrat of the Breakfast Table et légitime la prétention où fut l’Amérique d’avoir donné le jour à un humoriste. Pourtant, la part la plus importante des poèmes de Holmes est représentée par les soliloques en vers d’un étudiant qui s’arrête sur les sujets favoris de ses pensées. Telles les lignes écrites après une lecture de Wordsworth ou de Moore, les poèmes médicaux comme le Stethoscope Song, des compositions comme Dorothy Q. et Bunker Hill où le poète enchâsse de jolis souvenirs sur la guerre de l’Indépendance. La pièce la Dernière feuille