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autrichien. » La résurrection de tant d’espérances dressait de nouveau en face de nous le mur d’obstruction que nous avions cru renverser.

Dès ce moment, en effet, une double campagne de fausses nouvelles, — campagne de presse d’abord, campagne diplomatique ensuite, — s’engage contre nous et souligne le sens de l’intransigeance soudainement marquée à Algésiras par la délégation allemande. Le but est de nous démoraliser pendant l’interrègne ministériel, d’intimider, quel qu’il soit, le futur ministre des Affaires étrangères, et, pour cela, de détacher de la France les concours qui n’avaient pas cessé de lui être acquis, ou tout au moins de propager l’impression que ces concours sont devenus incertains ou timides. Dès le 10 mars, on voit se dessiner la manœuvre. Le correspondant de la Gazette de Cologne parle de la « reconnaissance » qu’inspire à toutes les grandes puissances l’attitude « prévenante » de l’Allemagne. Le 12 mars, M. Stein, correspondant à Berlin de la Gazette de Francfort et l’intime du chancelier, écrit : « Il se confirme que la grosse majorité des puissances considère le projet autrichien comme une transaction à bon compte, et on peut s’attendre à ce que leurs représentans exercent sur les délégués français leur influence pour leur faire accepter ce projet. » Le même jour, une dépêche d’Algésiras au Lokal-Anzeiger porte que « la résistance française a isolé notre pays, en poussant du côté allemand les principales puissances neutres, notamment la Russie, l’Italie, l’Amérique et même l’Angleterre. » Et le correspondant ajoute que, pour cette dernière puissance, c’est une conversation de sir Arthur Nicolson avec M. de Radowitz qui a déterminé le changement. Or, on l’a vu, dans cette conversation, le plénipotentiaire de la Grande-Bretagne avait marqué, au contraire, à son collègue allemand, sa surprise de le voir insister sur le régime spécial de Casablanca, au lieu de répondre, par un bon procédé, à notre concession sur l’inspection.

Tous les jours suivans, la même rumeur court, portée par les journaux allemands, à travers toute l’Europe. Soit dans les agences officieuses, soit dans les grands quotidiens, comme la Gazette de Cologne et le Lokal-Anzeiger, on retrouve l’affirmation que « les alliés mêmes de la France » blâment sa résistance et la pressent d’adhérer au projet autrichien. Comme il est difficile de nous accuser d’intransigeance alors que nous avons ajouté