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qu’il attachât à la question de Casablanca une importance spéciale. Il n’avait pas relevé les critiques formulées sur ce point par sir Arthur Nicolson et M. Révoil. Et le comte de Welsersheimb lui-même avait toujours présenté la combinaison du huitième port comme une simple modalité, accessoire et non essentielle, de son projet. Ce n’était donc pas pour un motif technique que le plénipotentiaire allemand manquait à ses engagemens du 10. Il obéissait à un ordre venu de Berlin, et cet ordre avait une autre origine qu’un intérêt marocain.

La chancellerie impériale, à voir durer la crise ministérielle française et se prolonger dans le salon de M. Sarrien les réunions d’où le cabinet, toujours à peu près formé, ne sortait jamais constitué, avait repris confiance dans cette capitulation que, du 3 au 7 mars, elle avait renoncé à nous arracher. On pensait aussi à Berlin que l’approche des élections législatives rendrait le nouveau gouvernement français moins résistant. Et l’on se reprenait à espérer un « triomphe. » C’est pour cela que, par un détour, on annulait les concessions antérieures en soustrayant à la France et à l’Espagne une partie du mandat qu’on avait déclaré leur accorder ; pour cela que l’inspection, « aussi discrète que possible, » avait-on dit le 5 et le 6 mars, au prince de Monaco, était établie à Casablanca avec un commandement effectif ; pour cela, que le projet autrichien, d’abord considéré comme « modifiable, » devenait intangible ; pour cela enfin, que l’affirmation inscrite dans la Gazette de l’Allemagne du Nord que l’Allemagne ne chercherait pas à tirer parti de la chute du cabinet Rouvier, était contredite par les faits. Qui sait même si, à ce moment, le désir mondial ne se réveillait pas et si le rêve de garder à Casablanca, sous le couvert d’une police neutre, la possibilité ultérieure d’une installation allemande, ne hantait pas les imaginations ardentes des employés pangermanistes de la chancellerie impériale ? Le 13 mars, le correspondant parisien du Berliner Tageblatt, en relations constantes avec le prince de Radolin, ne télégraphiait-il pas à son journal : « Le plus important des points non résolus à présent est l’attribution du port de Casablanca. Ce port (et non celui de Mogador, ainsi qu’on l’a toujours dit par erreur) est depuis plusieurs mois l’objet de nombreux projets qui avaient pour but de créer sur ce point de la côte marocaine une situation spéciale. Je crois que lorsque M. de Radowitz partit pour Algésiras, il avait en poche un projet tout semblable au projet