Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’origine de ce qui nous avait rendus si heureux, — et devait nous rendre plus malheureux aujourd’hui. Pour nous, cette paix dura quelques jours seulement. De ma fausse quiétude, je retombai dans le gouffre. C’était trop beau pour être vrai, et notre cœur, — broyé et ravivé, puis meurtri de nouveau d’une immense douleur, — se contracta sous la main du destin qui se jouait de notre paix, de nos angoisses.

Le Frère Émilio à Mlle Le Brieux.


Couvent de Saint-Joseph, des Franciscains de Brescia,

14 juillet 1859.

Signorina,

Mon ministère est quelquefois cruel. Je crois vous apprendre que mon devoir m’oblige à vous dire ce qui concerne messieurs vos parens.

Lorsque Madame votre mère entra auprès de Monsieur son mari, son émotion fut fort grande.

Je ne sais pas ce que Madame dit à Monsieur son mari, car ils parlaient fort bas et je m’étais mis à l’écart d’eux.

Après, Madame me demanda pour écrire à Messieurs ses enfans.

Je donne à Madame le carton où Monsieur son mari fermait ses lettres et ses papiers secrets.

Madame lut ces lettres. Je la vis en tenir une plus que les autres, la retourner, la laisser, la relire et après se mettre debout en jetant les mains sur sa figure.

Je vois que Madame a trouvé la lettre de Monsieur le colonel de Monsieur son fils, trépassé le jour de la glorieuse bataille de Solférino.

Madame ne savait pas. Sur la porte de Monsieur son mari on avait écrit : Défense de parler à Monsieur de Monsieur son fils.

Je vous exprime, signorina, d’interroger votre devoir sur ce qui est propre à dire à Madame de ma misérable communiquée Ci-joint la copie de lettre que Madame vient de lire.


Mon cher ami,

C’est avec une profonde douleur que je vous annonce que votre fils, sous-lieutenant au…, après s’être bravement battu