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convoitise royale. Cependant, des papangues montent des profondeurs, montent et bercent au ciel de grands vols circulaires avec la satisfaction de planer sur un pays clair en y guettant obliquement la proie… Sur ce rocher, Andriana venait souvent méditer, le regard bondissant par-dessus l’étendue passive pour se fixer passionnément à la colline obscurcie en bleu par la distance juste vis-à-vis Ambohimanga. Ce rocher bleu parmi d’autres rochers bleus, cette Tananarive qu’on appelait alors Alamanga, il fallait se l’allier avant d’entreprendre l’unification du reste… En vérité, nul spectacle n’est plus propre à enivrer l’ambition et à la précipiter à l’action : cependant, sept ans, patiemment, il prépara son œuvre, se faisant des alliés des roitelets de l’Emyrne, garantissant par des forteresses l’Ouest et le Nord contre les attaques des Sakalaves et des Sihanakas, se composant un conseil judicieux et sûr de douze chefs. Lorsque les Dieux et les Ancêtres eurent indiqué à Ramboa que l’heure était venue de laisser son rêve longtemps contenu s’avancer sur la plaine, enhardis par leurs amulettes sakalaves, rampant sous les broussailles aux pentes boisées de Tananarive, les guerriers d’Ambohimanga, invisibles, surprirent la ville. La petite vérole y sévissait, qui bientôt décima les conquérans ; et Tananarive fut perdue. Mais le siège recommença : du rocher chauve, pendant trois mois, tous les jours, Andriana surveilla de loin l’action de ses dévoués soldats Tsimahafotsys. Quand, du fond de l’horizon bleuâtre, la nouvelle brillante monta vers lui que la ville avait été prise, sa poitrine se dilata, il vit soudain clair dans l’avenir et prononça ces paroles qui élargissaient encore son destin : « Ne pillez que les poulets ; le royaume est à moi et tous les Merina sont mes enfans. »

Maître de Tananarive, il fit de cette éminence médiane, protégée d’une part par un bloc de monts effroyablement abrupts, défendue de l’autre côté par des terres si planes et si basses au-dessous d’elle que tout mouvement s’y signalait de loin dans la transparence de l’air, la capitale de toutes les collines environnantes. Génie d’espace, qui avait choisi faire inexpugnable avant de rayonner, il portait une ambition qui, analogue au vol de l’épervier, s’étendait toujours par cercles1 concentriques. Le Rova royal était au milieu de Tananarive ; Tananarive était au milieu de l’Emyrne ; il fallait que l’Emyrne devînt le milieu d’un royaume immense qui n’aurait « de limite que la mer. »