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trouve donc sur un terre-plein pareil à un îlot, avec des portes dont le cadre est fait de grandes tranches de pierre en menhir reliées fortement par des racines d’arbres à la terre en motte, et un énorme disque de pierre, qu’on poussait le soir, fermait cet enclos comme un parc contre les attaques nocturnes. Au milieu du village (Soamama), de grands arbres dont la base est enveloppée de terre qui fait banc, avec quelques sièges de pierre en tronc de colonne, encerclent une place : c’est celle des réunions où pérore l’éloquence hova, non point claire et à facettes comme dans les agoras grecques ceintes de murs cubiques, mais insinuante et rampante comme les racines des amontanas sacrés que l’on a portés là et plantés à la création du municipe et qui envahissent la place. Quand la cité couronne un rocher, un sentier tournant en labyrinthe entre les pêchers et les manguiers conduit à une terrasse d’où les habitans dominent les sentiers de la savane et découvrent de loin l’ennemi (Hafy, Ambohimanga).

Dans les plaines, au fond des vallées, le voisinage de la rizière quadrillée avec régularité accuse la géométrie des constructions hovas. Elles prennent bientôt un caractère de bâtisse militaire que renforce l’impression de campement donnée par l’absence d’arbres et la perspective des étendues désertes au milieu desquelles elles sont perdues, postées en sentinelles comme de grands bivouacs silencieux de guérites en boue aux contours de la route. C’est surtout au soleil couchant que l’on comprend la beauté de ces villages. Alors le rouge des maisons sur les collines blêmit, rentre dans la coloration profonde du sol. Tout autour, les herbes, les arbustes, la brousse s’avivent d’un jaune d’or. Le village s’appuie, en s’y cachant, sur un flanc de collines à renflemens nus et lourds. Et il arrive très fréquemment qu’au-dessus émergent lentement des cumulus qui, dominant ces mamelons roux et poreux, prennent la consistance de montagnes de marbre, et celles-ci, au lieu de pâlir, affectent sur leur bosselage massif des reflets vermeils. Il est émouvant de voir le petit village de l’Emyrne, réduit à ne paraître qu’un soubassement de glaise, supporter l’édification gigantesque de ces nuages. La vision devient grandiose et s’éclaire à la façon spacieuse et dorée des anciens tableaux de bataille : avec envergure l’âme se déploie sur ces étendues, rases comme des champs de combat pour les charges sombres et éblouissantes des orages.