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Il est incontestable que la situation, à Tanger et dans sa banlieue, était devenue intolérable, et qu’une inertie plus longtemps prolongée aurait pu nous mettre tout d’un coup en face d’obligations beaucoup plus elourdes que celles dont nous venons d’accepter le fardeau. Nous avons donné, il y a quinze jours, à ce sujet des détails sur lesquels il est inutile de revenir. M. le ministre des Affaires étrangères les a depuis donnés lui-même à la Chambre avec plus d’autorité. Il a affirmé que nous n’avions l’intention de rien faire et que nous ne ferions rien qui dépassât les limites du mandat que les puissances réunies à Algésiras ont confié à l’Espagne et à nous. Qui pourrait ne pas convenir, puisque ces puissances en conviennent elles-mêmes, que la note franco-espagnole enferme très strictement notre action dans ces limites ? M. Pichon a apporté sur ce point à la Chambre des assurances qui auraient sans doute pu suffire, mais qui ont été confirmées, en ce qui concerne l’Allemagne, par les déclarations que M. de Tschirschky, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, a faites à son tour devant le Reichstag. Interrogé par M. de Bassermann, le chef des nationaux libéraux, il a reconnu que la note franco-espagnole ne soulevait de la part de son gouvernement aucune objection. Nous savons bien qu’on pourrait rappeler le langage analogue tenu par le chancelier de l’Empire en 1904, à la suite de notre arrangement avec l’Angleterre, langage qui n’a pas empêché ce qu’on a vu depuis. Le gouvernement impérial ne s’est pas tenu pour engagé par les paroles de M. le prince de Bülow, et celui-ci s’en est dégagé lui-même comme d’un lien très léger. Mais la situation n’est plus la même. Nous n’avions pas alors, comme aujourd’hui, un mandat formel des puissances ; et de plus, à tort ou à raison, l’Allemagne nous reprochait de n’avoir pas eu pour elle les ménagemens et les égards que nous avions eux pour d’autres. Nous ne lui avions pas fait, disait-elle, des communications suffisantes. Nous avions oublié de lui en demander son avis. S’il y a eu à ce moment quelque malentendu, il ne saurait y en avoir désormais. Tout s’est passé, de part et d’autre, avec une correction parfaite, et nous pouvons dire que, du côté de l’Allemagne, nous sommes couverts, à la condition, bien entendu, de ne rien faire que ce que nous avons annoncé.

Le langage de M. Pichon a été si satisfaisant qu’il parait avoir provisoirement dissipé les appréhensions de M. Jaurès : elles étaient pourtant très vives. M. Jaurès n’a pas voulu se mettre en opposition avec le sentiment de la Chambre, qu’il sentait, nous l’avons dit, à peu près unanime ; il a reconnu que les déclarations du