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et une manifestation impuissante. Mais il fallait sans doute un nouveau complot à M. Clemenceau : le premier lui avait si bien réussi ! S’en tiendra-t-il là ? Nous entrons dans l’inconnu, et il y a sans doute de la faute de tout le monde. Mais nous ne nous lasserons pas de répéter que la responsabilité initiale et principale des événemens de demain revient à ceux qui ont détruit le Concordat sans le dénoncer, et qui ont traité le Pape comme un mythe. S’il a voulu simplement montrer qu’il était autre chose, il n’aura que trop bien réussi.

Et dire qu’une simple conversation avec lui aurait tout arrangé, et arrangerait tout encore aujourd’hui ! On ne se comprend pas, mais qu’a-t-on fait pour se comprendre ? Les malentendus s’amoncellent parce qu’on refuse de s’expliquer. M. Briand a dépensé en pure perte infiniment plus de souplesse, d’ingéniosité, de véritable bonne volonté qu’il n’en aurait fallu pour arriver à un accord, si on avait voulu un accord ; mais on ne peut pas en faire un sans causer, et M. Briand s’est contenté de parler fortement à la cantonade, avec l’espoir qu’il serait entendu au bon endroit. Il ne doutait pas que, dès lors, la conciliation interviendrait. Si nous faisions de la pure philosophie politique, sa mésaventure nous apparaîtrait comme une conséquence de la logique immanente des choses. Mais, après l’avoir dit d’un côté, nous voudrions bien n’avoir pas à le répéter de l’autre, ce qui d’ailleurs servirait à peu de chose, puisque le mal serait déjà fait. Nous avons rempli notre devoir, et maintenant, à la grâce de Dieu !


L’amiral Touchard est arrivé devant Tanger, avec la division qu’il commande de l’escadre de la Méditerranée. Que va-t-il y faire ? M. Pichon s’est expliqué à cet égard devant la Chambre en termes très précis, et la majorité qui a applaudi et approuvées déclarations s’est fort rapprochée de l’unanimité. Si on avait eu encore, soit en France, soit à l’étranger, quelque incertitude sur les desseins du gouvernement, elle aurait été dissipée par le discours de M. le ministre des Affaires étrangères. Cela ne veut pas dire que nous n’ayons plus rien à craindre. Il nous faudra peut-être une volonté très ferme, exercée sur nous-mêmes, pour ne pas sortir du programme que nous nous sommes tracé, et une attention, une surveillance de tous les instans pour être sûr que notre absolue loyauté sera toujours reconnue et appréciée par autrui. Le premier point dépend de nous seuls : quant au second, nous avons fait auprès de toutes les puissances, sans exception, les démarches nécessaires pour mériter leur confiance et pour garantir notre sécurité.