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Cependant, la dure leçon porte peu à peu ses fruits ; on s’est assagi, momentanément du moins ; l’épargne se reforme et s’accumule ; les personnes qui ont été prudentes au moment des folies profitent du bon marché pour reprendre leurs achats ; la confiance renaît progressivement et l’on reprend le cycle que nous venons de décrire. Chose curieuse, que n’explique aucun raisonnement et qui peut n’être qu’une coïncidence fortuite, chacune de ces périodes dure neuf ans, si l’on en juge par le passé.

La théorie des causes qui amènent les crises commence à être connue aujourd’hui. C’est à un de nos compatriotes que nous la devons. M. Clément Juglar l’a trouvée et magistralement exposée dans un gros livre couronné en 1860 par l’Académie des sciences morales et politiques et qui est intitulé : Des crises commerciales et de leur retour périodique en France, en Angleterre et aux États-Unis. Malheureusement le monde des affaires lit peu en dehors des dépêches télégraphiques et des journaux, spéciaux, et la théorie de M. Juglar ne se précise et surtout ne se résume pas suffisamment au cours des faits historiques accumulés par lui. Nous sommes fier d’avoir rendu plus populaire sa découverte en en faisant l’objet d’un tableau graphique dont la première édition a paru en 1886, à la veille de la reprise des affaires que ce diagramme faisait entrevoir et qui, depuis lors, a pu rendre les plus grands services à ceux qui en ont poursuivi l’étude et le développement.

M. Juglar a su discerner la véritable marche des crises ; ses enseignemens se sont, hélas ! trop peu répandus et beaucoup de personnes attribuent encore les krachs à des événemens fortuits et confondent souvent les effets avec leurs causes. En Angleterre et aux Etats-Unis, la question des banques et de la circulation fiduciaire a été trop longtemps considérée comme jouant le principal rôle. Le public reste trop disposé à en rendre responsables l’excès ou l’abus des émissions de banknotes. En limitant ces émissions, en les proportionnant au chiffre de l’encaisse or et argent, on a voulu chercher un moyen préventif. C’est l’erreur de l’acte de Robert Peel de 1844 pour la Banque d’Angleterre, acte dont les stipulations ont dû être momentanément suspendues dès 1847 et 1857, ce qui était la meilleure preuve de leur insuffisance.

On oubliait le rôle du crédit ; ce ne sont pas seulement les billets de banque qui doivent être proportionnés à l’encaisse,