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Nous avions cru savoir à qui ce transfert serait fait : c’était, ce devait être aux associations cultuelles. Nous le savons moins bien aujourd’hui.

Il s’en faut d’ailleurs de beaucoup que les déclarations de M. Briand aient satisfait tous ses amis. Une partie des socialistes, ceux qui suivent les inspirations de M. Jaurès, l’ont approuvé. Ils désirent par-dessus tout avoir enfin le loisir de s’attacher aux réformes qui leur sont chères, et c’est pourquoi ils éprouvent quelque hâte de se débarrasser des questions religieuses. Mais les radicaux, y compris ceux qui s’intitulent radicaux-socialistes, goûtent moins les transformations sociales dont le ministère du Travail est à leurs yeux l’annonce inquiétante : aussi ne répugneraient-ils nullement à reprendre la guerre religieuse dont a vécu M. Combes et dont ils ont eux-mêmes vécu si facilement avec lui. De ces deux tendances, quelle sera la plus forte ? Cela dépendra de causes nombreuses, parmi lesquelles il faut mettre au premier rang le plus ou moins d’habileté ou de maladresse des partis d’opposition. A parler sincèrement, nous ne croyons pas que, dans la Chambre actuelle, il puisse y avoir un ministre des Cultes plus conciliant que celui d’aujourd’hui, doué d’intentions plus loyales, et surtout plus à même d’en faire accepter la réalisation aux radicaux-socialistes. Ce qui est possible avec M. Briand ne le sera probablement pas avec son successeur. Son échec serait pour d’autres un encouragement à reprendre la politique brutale, et c’est une tentation à laquelle il serait téméraire de les exposer. Il y a bien de l’imprévu dans les choses humaines ! Qui aurait pu prévoir, par exemple, qu’un Cabinet Clemenceau, avec un ministre des Cultes venant d’aussi loin que M. Briand, nous donnerait, dans les questions religieuses, la politique la plus tolérante que nous ayons eue depuis huit ans que les radicaux sont au pouvoir ? C’est une chance que nous n’espérions guère : nul ne sait ce qui arrivera si on la laisse échapper !


Le Reichstag allemand est rentré en session, et aussitôt le gouvernement impérial a été interpellé sur la politique extérieure. Il l’a été par M. Bassermann, qui, parlant au nom des nationaux-libéraux, s’est fait l’interprète des préoccupations du pays. M. Bassermann a parlé avec modération, mais avec netteté et fermeté. Les orateurs socialistes qui sont venus après lui ont montré ces dernières qualités plus que la première ; mais, au fond, eux et lui ont dit la même chose en termes différens. L’opinion allemande éprouve depuis quelque temps un malaise qu’elle ne cherche pas à dissimuler. Elle compare avec un peu d’amertume le présent au passé. Elle se demande si les