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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre.


Le Parlement n’a pas, en ce moment, ce qu’on appelle une bonne presse : l’impression générale est que députés et sénateurs ont appliqué un peu trop à la lettre le dicton populaire que charité bien ordonnée commence par soi, en augmentant leur indemnité de 6 000 francs. Tous ceux qui vivent du budget, et Dieu sait s’ils sont nombreux ! auront beau jeu désormais pour demander à être augmentés eux aussi. Le contribuable pourrait leur répondre que si leur situation est digne d’intérêt, la sienne ne l’est pas moins ; que nos finances sont dans un état inquiétant ; qu’on a grand’peine à boucler le budget ; que des économies s’imposent et que tout le monde parle d’en faire : mais cette observation, si naturelle et si légitime sur les lèvres du contribuable, ferait un singulier effet sur celles des parlementaires. Ils se sont presque interdit de l’invoquer, tant la réplique serait facile ! Nous ne sommes plus surpris que la Chambre ait ordonné l’affichage du discours où M. Viviani a glorifié la propriété comme la fin dernière de l’homme : l’augmentation de l’indemnité parlementaire a été la première application de cette théorie. Il semble que la Chambre, en votant l’affichage, ait voulu se préparer les voies et, d’avance, se justifier : on ne l’avait pas compris.

L’inopportunité de la mesure est particulièrement choquante au moment actuel. Ah ! si le budget était en excédent, si les recettes étaient supérieures aux dépenses, si on était en situation de faire des dégrèvemens d’impôts, et si les parlementaires, en se tournant vers le pays, pouvaient attribuer cette heureuse prospérité à la sagesse, à la prudence, à l’habileté de leur administration, ce n’est pas nous qui leur reprocherions le surélèvement d’une indemnité insuffisante. La