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fantassin, il en résultait pour le Trésor une perte de 50 pour 100.

La nourriture des chevaux, évaluée à 10 sols par cheval, au minimum, constituait une charge encore plus élevée. Si le simple cavalier, chevau-léger, dragon ou carabin, ne touchait qu’une seule ration, les ordonnances en vigueur en allouaient « au capitaine pour six, au lieutenant pour quatre, au cornette pour trois, au maréchal des logis pour deux, à chaque petit officier comme à un chevau-léger, pourveu qu’il eût un cheval, à un mestre de camp ou colonel du-régiment comme au capitaine, à l’ayde major comme au lieutenant, au maréchal des logis chacun pour deux chevaux, à l’aumônier, au chirurgien, etc. »

Pour réprimer dans ces distributions de denrées un gaspillage dont il avait pu, à l’armée d’Italie et ailleurs, mesurer l’étendue, Le Tellier prescrivit que les fournitures ne seraient livrées « qu’aux seuls présens et effectifs, » et stipula un maximum qui fut plusieurs fois modifié suivant les circonstances et d’après l’état des compagnies. Ne pouvant s’en fier aux intéressés, il les soumit à un contrôle de plus en plus sévère, qu’il confia aux intendans. C’est ainsi que, pour établir, chaque quinzaine, des états de distribution des vivres et des fourrages, dont communication devait être adressée aussitôt au secrétaire d’Etat de la guerre, il leur fut enjoint de prendre pour base de leurs évaluations les revues mensuelles, faites par eux-mêmes, des hommes et des chevaux, de multiplier les moyens de surveillance et de se faire, au besoin, renseigner, d’une manière aussi complète que possible, par les maires et échevins. Par ces rapports fréquens et périodiques, le secrétaire d’Etat pouvait juger si ses instructions étaient fidèlement suivies et si la dépense n’était pas supérieure aux prévisions.

Pour la fourniture des vivres et des fourrages, Le Tellier eut recours aux divers systèmes de l’entreprise particulière, de l’adjudication, du service direct, de la régie, qui, jusqu’à nos jours, sont restés concurremment en vigueur. Quoique ses préférences fussent pour le service direct, comme étant d’une pratique plus facile, plus régulière et, au total, moins dispendieuse, Le Tellier n’en fit guère l’application que dans les places éloignées ou récemment conquises, où il n’était guère possible de procéder autrement. Ce qui l’empêcha de généraliser cet essai, ce fut la gêne du trésor royal auquel il était alors très difficile de disposer des avances indispensables à son extension.