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la gestion du capitaine. D’autre part, Le Tellier soumit les comptables, de quelque degré qu’ils fussent, à la surveillance incessante et rigoureuse des intendans qui eurent de plus en plus et bientôt entièrement la haute main sur toutes les branches de l’administration de l’armée.


V

Un des principaux efforts de Michel Le Tellier eut trait à l’urgente nécessité d’améliorer le service des vivres qui, jusqu’à cette époque, avait, dans l’armée française comme dans toutes les autres, fonctionné de la manière la plus défectueuse et la plus aléatoire. Il y avait là pour le nouveau secrétaire d’Etat de la guerre, qui, à l’armée d’Italie, en avait fait l’expérience, une tâche d’autant plus ardue qu’il se vit dans l’obligation démettre sur pied et de réunir des armées d’année en année plus nombreuses, soit pour protéger les frontières du royaume contre l’invasion, soit pour prendre en pays ennemi une vigoureuse offensive. Depuis que la France était intervenue dans la guerre de Trente ans en 1635, Louis XIII n’avait pas cessé, en effet, d’avoir des armées dépassant 100 000 hommes, ce qui, à cette époque, représentait un très fort effectif. En 1636, d’après un état manuscrit, qui figure dans la collection des ordonnances du ministère de la Guerre (n° 87), la France entretint 142 000 fantassins et 22 000 chevaux, sans compter les troupes du duc de Weimar, qui étaient à sa solde. La dépense, par le même état, était évaluée à environ 44 millions de livres (plus de 90 millions d’aujourd’hui), dont 29 800 000 livres pour l’entretien de l’armée proprement dite, 4 000 000 pour la solde des troupes du duc de Weimar, 3 000 000 pour l’artillerie, et 1 600 000 livres pour l’équipage et les vivres ; 2 700 000 livres étaient destinées à la marine. L’armée fut maintenue à peu près sur le même pied jusqu’à la fin du règne de Louis XIII. « Les préparatifs de l’année 1640, dit Richelieu dans son Mémoire au Roi, étonneront sans doute la postérité, puisque, si je me les remets devant les yeux, ils font le même effet en moi, bien que, sous votre autorité, j’en aie été le principal auteur… Vous eûtes, dès le commencement de l’année, cent régimens d’infanterie de campagne et plus de 300 cornettes de cavalerie… » Tels étaient les effectifs de l’armée, et jusqu’à la fin du règne de Louis XIV ils ne