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Michel Le Tellier. Celui-ci, après plus de vingt ans d’efforts, était encore à écrire dans le préambule d’une ordonnance du 14 février 1662 : « Sa Majesté estant bien informée que les officiers des troupes d’infanterie qui sont en garnison dans les places d’Avesnes et du Quesnoy, lorsqu’ils ont advis que l’on doit faire revue de leurs compagnies, font entrer de nuit et monter avec des cordes sur les bastions desdites places des passe-volans qu’ils font venir des lieux des environs, afin de faire paraître leurs dites compagnies plus fortes qu’elles ne sont effectivement… »

À côté de ces fraudes, si tenaces et si difficiles à réprimer, la désertion était pour l’ancienne armée royale une cause d’affaiblissement à laquelle il était aussi très malaisé de remédier, non seulement parce que les capitaines ignoraient souvent qu’ils enrôlaient des déserteurs, mais encore parce que, comme le dit Le Tellier, dans une lettre du 10 novembre 1647, adressée à l’intendant de la généralité de Bordeaux, le capitaine ne se soucie pas de la désertion de son soldat, « car, ajoute-t-il, pourvu qu’il ait fait voir, une fois pour toutes, au commencement de la campagne, qu’il a fait une recrue, il est bien ayse que sa compagnie s’affaiblisse pour profitter de la solde des déserteurs tout le reste de la campagne. C’est une chose que j’ay aprise tandis que j’ay esté intendant en Piémont. »

Contre ces déserteurs, toujours si nombreux, Le Tellier déploya la même rigueur que contre les passe-volans. Il alla jusqu’à faire ordonner contre eux la peine de mort, puis il décida que cette peine serait « modérée en celle des gallaires, » le Roi ayant besoin de chiourme pour ses escadres. Plus tard, lors des préparatifs de la guerre de Dévolution, les mesures devinrent plus sévères encore[1], et Le Tellier les généralisa, sans se soucier d’une certaine opposition des Parlemens à laquelle la monarchie redevenue toute-puissante n’avait plus garde de s’arrêter. Les deux ordonnances du 31 mars et du 28 octobre 1666 réglèrent donc, dans ses moindres détails et avec une sévérité impitoyable la répression de la désertion et les moyens de prévenir la désertion. Désormais, par exemple, le soldat ne s’éloignera pas de plus de deux lieues du quartier sans billet du capitaine indiquant la durée de la permission ; en « as de faute, il comparaîtra devant le

  1. Ultérieurement, Louvois renchérit encore sur ces rigueurs, notamment par l’ordonnance de 1676.