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conditions à débattre). Et pour exécuter plus facilement ces conventions, lesdits exempts, archers ou leurs advoüez prennent des enfans de famille, escoliers, artisans, croche leurs, serviteurs et laboureurs sous prétexte de leur trouver des conditions de les l’aire travailler de leur métier, les mettent en des lieux écartez, les retiennent par force es maisons particulières. Et après les avoir enfermez quelque temps, sans permettre qu’ils donnent advis de leur rétention, les font sortir de nuict pour les livrer auxdits capitaines, et en faire entr’eux un honteux commerce, auquel mesme plusieurs loueurs de chambres garnies et gargotiers contribuent de leur partz… »

Pour remédier le plus possible à cet état de choses, — un tel mode de recrutement ne donnant au Roi que des soldats fort défectueux, qui souvent s’empressaient de déserter, — Le Tellier multiplia les pénalités sévères contre les officiers qui prêteraient la main à ce « honteux commerce. » Déjà, par une ordonnance de 1643, il avait décidé que les capitaines de compagnie seraient désormais tenus de munir les lieutenans et enseignes, auxquels ils délègueraient le pouvoir de recruter en leur nom, d’une procuration régulière, « en sorte que le capitaine en demeurât strictement responsable, » afin que le Roi sut à qui s’en prendre s’il arrivait que, pour recruter, on eût recours à des procédés coupables ou qu’ensuite les engagemens contractés ne fussent pas remplis. Dorénavant tous les capitaines qui n’auraient pas leurs compagnies complètes, au chiffre alors réglementaire de 70 hommes, seraient contraints « de restituer l’argent de la recrue des hommes qui leur manqueront par saisie de leurs biens et devront être privée de leurs biens. » Si la faute avait un caractère encore plus grave, l’officier prévaricateur devait être arrêté, traduit en conseil de guerre et puis « exemplairement puni à la vue de toute l’armée. »

Une série d’autres ordonnances précisa ultérieurement dans quelles conditions le recrutement devait être effectué et confia spécialement aux intendans le contrôle de ces opérations. A vrai dire, celles-ci purent être plus ou moins régularisées, mais il y avait de tels vices dans ce système de recrutement, qui resta en vigueur jusqu’à la Révolution, qu’il ne put jamais devenir satisfaisant. Ainsi que Turenne l’écrivait à Le Tellier, en 1658, le capitaine de compagnie ne se souciait guère que de se procurer le plus d’argent possible : « pourvu qu’il mène douze à quinze