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nulle occasion ne pouvait être meilleure de protester contre un procédé de discussion qui se répand un peu trop dans notre jeune Université. On feint de croire que ceux qui ne « rendent pas justice aux philosophes du XVIIIe siècle, » en ont de tout autres raisons que celles qu’ils en donnent ; et s’ils admirent plus qu’on ne le fait soi-même la langue de Pascal ou l’œuvre de Bossuet, on les soupçonne, et on le leur fait entendre, d’en avoir des motifs étrangers à la littérature. C’est un reproche auquel sans doute on aurait tort d’attacher trop d’importance, mais c’est pourtant une insinuation qu’il ne faut pas toujours mépriser. Je voudrais qu’on eût vu, dans cette digression sur les salons du XVIIe et du XVIIIe siècle, que les raisons que nous avons de préférer les uns aux autres sont purement « littéraires. » « Je ne vois pas pourquoi ce qui était vrai du temps de Mme de Vivonne et de Mlle de Scudéry serait faux du temps de Mme de Lambert ou de Mme de Tencin, et pourquoi M. Brunetière, si enthousiaste pour célébrer les bienfaits des salons du XVIIe siècle sur la littérature, ne trouve que des paroles amères pour décrier les sociétés mondaines du XVIIIe ? » Ainsi s’exprime encore M. Roustan, et tout de suite, il me demande si ce serait par hasard que je reprocherais à Mme de Tencin d’avoir prélevé sur la générosité de ses nombreux amans les quelques aunes de velours qu’elle offrait annuellement à ses « philosophes » pour s’en faire des culottes ? Non ! ce sont là des reproches d’un autre ordre, qui n’ont que faire dans l’expression d’un jugement sur les « salons du XVIIIe siècle. » Mais M. Roustan a répondu lui-même à la question, et ce qui était, non pas précisément « vrai, » mais « opportun, » mais « bon, » mais « utile » du temps de Mme de Vivonne et de Mlle de Scudéry, ne l’était plus, à notre avis, « du temps de Mme de Lambert et de Mme de Tencin, » et ne l’était plus parce que quelques changemens s’étaient produits au cours du siècle, — 1610-1715. — C’est tout ce que nous avons voulu dire, et sans arrière-pensée ni noir dessein, c’est ce que nous croyons pouvoir maintenir. Nous aurons du reste à revenir sur ce point, et sur quelques autres, quand nous aurons prochainement à parler du mouvement de réaction qu’on tente une fois de plus, en ce moment même, contre la « littérature du XVIIe siècle, » pour la déposséder de sa primauté littéraire, et surtout pour lui substituer dans l’enseignement des humanités lu littérature du siècle suivant.