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recherche de la vérité, cette aspiration vers un idéal de beauté toujours plus vivant, plus varié, plus expressif, qui caractérisent, dans son ensemble, l’œuvre ascendante de la Renaissance au XVe siècle.

L’idée de la Beauté, à vrai dire, n’avait jamais complètement disparu en Italie. Nous en pouvons suivre les affaissemens momentanés et les efforts intermittens de résurrection, dans une série de mosaïques et de peintures, presque ininterrompue, depuis le IVe jusqu’au XIIe siècle. Les premiers grands artistes du XIIIe siècle, Niccolo Pisano, Cimabue, Duccio, Giotto, ne sont pas, comme on l’a cru longtemps, des génies inattendus, miraculeux, éclos à l’improviste. Leur œuvre admirable est un aboutissement d’efforts antérieurs, soit indigènes, soit extérieurs, en même temps qu’un point de départ pour une évolution nouvelle.

L’action des peintres, en particulier, se trouvait bien préparée par celle de leurs précurseurs en littérature et en sculpture. Aux XIe et XIIe siècles, par ses troubadours provençaux, par ses trouvères de langue d’oïl, par ses imagiers et ses enlumineurs, autant que par ses architectes, la France des croisades, débordant sur le monde, avait pris, dans les lettres et les arts, comme dans la politique, la direction générale de l’esprit européen qu’elle devait garder jusqu’à la mort de saint Louis. Les républiques italiennes, Venise, Gènes, Pise, Florence, plus précoces au point de vue pratique, s’étaient, surtout, alors enrichies par le commerce et l’industrie. Toutefois, déjà avides de culture intellectuelle, Pise et Florence, les premières, n’avaient pas tardé à se mettre au courant du mouvement français, comme elles l’avaient toujours été des mouvemens orientaux. Les débuts de la poésie et ceux de la sculpture toscanes témoignent d’une parenté étroite avec la littérature provençale et l’art répandu par l’Ile-de-France en Languedoc et en Bourgogne, soit par contacts et importations directs, soit par transmission siculo-normande.

Dès que l’idée de Beauté reparaît chez les lettrés, elle s’affine, s’épure, s’élève, se complique sous l’action des tempéra mens et traditions indigènes, avec rapidité. Pas besoin d’attendre l’apparition de Dante pour saluer, dans les Canzoni, Ballate, Sonetti de ses prédécesseurs, cet enthousiasme, successivement ou simultanément sensuel et mystique, pour les séductions féminines, éclatant avec des recherches d’analyse plastique et pittoresque. Avec Dante, ce prodigieux artiste, aussi magistral